s demain me faire repartir.
--Demain! vous partez demain?
--Oui, si M. Moserwald reste, et je n'ai aucune autorite sur lui.
--Il partira, je vous en reponds!
--Et moi, je vous defends d'epouser ma querelle! De quel droit, s'il
vous plait, pretendriez-vous me compromettre en vous faisant mon
chevalier?
--Mais pourquoi donc voulez-vous partir, mon Dieu? Est-ce que les
outrages de cet homme vous atteignent?
--Oui, l'outrage atteint toujours une veuve dont le mari est vivant.
--Ah! madame, vous etes meconnue et delaissee, je le savais bien, moi!
mais...
--Il n'y a pas de _mais_. Les choses sont ainsi. M. de Valvedre est un
homme infiniment respectable, qui sait tout, excepte l'art de faire
respecter la femme qui porte son nom; mais cette femme sait heureusement
ce qu'elle doit a ses enfants, et, pour se faire respecter elle-meme,
elle n'a qu'un refuge, la retraite et la solitude. Elle y retournera
donc, et, puisque vous savez pourquoi elle y rentre, sachez aussi
pourquoi elle en etait sortie un instant. Il faut que la solitude qu'on
lui a choisie soit au moins a elle, et que personne n'ait le droit de
l'y troubler. Eh bien, je ne me plains pas; mais, cette fois, je
reclame. Mademoiselle Juste de Valvedre m'est une societe antipathique.
Mon mari assure qu'il ne l'a pas placee aupres de moi pour me
surveiller, mais pour servir de chaperon a Paule, et ne pas me
condamner, disait-il, a un role qui n'est pas encore de mon age.
Cependant, mademoiselle Juste de Valvedre s'est faite oppressive et
offensante. J'ai supporte cela cinq ans: je suis au bout de mes forces.
Le moment logique et naturel d'en finir est venu, puisque le mariage de
Paule avec Obernay est resolu, et devait etre celebre au commencement de
l'annee. M. de Valvedre semble l'avoir oublie, et Henri, comme tous les
savants, a beaucoup de patience en amour. Je venais donc dire a mon
mari: "Paule s'ennuie, et, moi, je me meurs de lassitude et de degout.
Mariez Paule, et delivrez-moi de Juste, ou, si Juste doit rester
souveraine dans ma maison, permettez-moi de transporter mes enfants et
mes penates aupres de Paule, a Geneve, ou elle doit demeurer apres son
mariage. Et, si cela ne convient pas a Obernay, laissez-moi chercher ou
fixez-moi une autre retraite, un ermitage dans une thebaide quelconque,
pourvu que je sois delivree de l'autorite tout a fait illegitime d'une
personne que je ne puis aimer." J'esperais, je croyais trouver M. de
Valvedre ici. Il
|