il placa sa main ouverte sur la tete de l'enfant, dont le regard
intelligent le remerciait.
Ce geste d'Arthur Labarou, c'etait une adoption, une adoption serieuse.
L'avenir le prouva bien.
Alors, ce fut une avalanche de questions, auxquelles le nouveau "frere"
dut repondre le mieux possible,--ou plutot le plus possible, car il
n'etait guere babillard, ce gamin de race rouge.
Mais, comme le fils des Gaules avait de la langue pour deux, il finit
par tirer au clair la biographie de son protege.
D'abord, il s'appelait _Wapwi_.
Il etait ne de l'autre cote de la mer (le Golfe Saint-Laurent), dans un
_ouigouam_ construit sur les borda d'une grande baie qui melait ses eaux
a celles du lac sans fin (l'Ocean Atlantique).... par dela une autre
baie bien plus etendue devant laquelle il fallait passer.... (la Haie
de _Miramichi_, evidemment, qui se trouve plus loin que la Baie des
Chaleurs, laquelle est dix fois plus considerable).
Ses parents etaient des Abenakis.
Ils vivaient assez miserablement de chasse et de peche, lorsqu'un jour
des etrangers survinrent qui leur defendirent de prendre du saumon dans
la riviere, avec des filets, sous peine de se voir chasser du paya,...
Decourages, les parents de Wapwi emigrerent vers le nord, longeant
la cote dan" leur canot d'ecorce jusqu'a ce qu'ils atteignissent la
Baie-des-Chaleurs....
Pendant des jours et des jours, ils remonterent la rive droite de ce
grand bras de mer, qu'ils n'osaient traverser dans sa partie la plus
large....
Finalement, croyant qu'il ne verrait jamais se retrecir cette nappe
d'eau interminable, le pere prit le parti de la traverser, par un beau
temps calme....
Helas! cette tentative devait amener une catastrophe!....
Le leger canot avait a peine depasse le milieu de la baie, que le vent
ne prit a souffler avec rage, soulevant des lames hautes comme des
_cabanes_ (c'est Wapwi qui parle, ne l'oublions pas) et ballottant
l'embarcation comme une simple ecorce....
Il devint evident que le canot allait se faire _coiffer_, d'une minute a
l'autre, par les lames qui deferlaient sous la brise....
Cependant, l'Abenaki luttait heroiquement, tenant tete, l'aviron en
mains, aux montagnes d'eau qui assaillaient sa pauvre pirogue....
Deja, on distinguait nettement la rive a atteindre.
Le bruit du ressac sur le sable retentissait a travers les clameurs du
vent....
Encore quelques efforts, et l'on allait pouvoir remercier les manitous
d'un salu
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