ont endormis," me dis-je.
La tete restait toujours la... attentive... On eut dit
[10]que le scelerat se doutait de quelque chose... Oh! que
mon coeur galopait... que le sang coulait vite dans mes
veines... et pourtant le froid de la peur se repandait sur
ma face... Je ne respirais plus!
Il se passa bien quelques minutes ainsi... puis...
[15]subitement... l'homme parut se decider... il se glissa
dans notre grenier, avec la meme prudence que la veille.
Mais au meme instant un cri terrible... un cri bref,
vibrant... retentit:
"Nous le tenons!"
[20]Et toute la maison fut ebranlee de fond en comble...
des cris... des trepignements... des clameurs rauques
...me glacerent d'epouvante... L'homme rugissait...
les autres respiraient haletants... puis il y eut un choc
qui fit craquer le plancher... je n'entendis plus qu'un
[25]grincement de dents... un cliquetis de chaines...
"De la lumiere!" cria le terrible Madoc.
Et tandis que le soufre flambait, jetant dans le reduit
sa lueur bleuatre, je distinguai vaguement les agents de
police accroupis sur l'homme en manches de chemise: l'un
[30]le tenait a la gorge, l'autre lui appuyait les deux genoux
sur la poitrine; Madoc lui serrait les poings dans des
menottes a faire craquer les os; l'homme semblait inerte;
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seulement une de ses grosses jambes, nue depuis le genou
jusqu'a la cheville, se relevait de temps en temps et frappait
le plancher par un mouvement convulsif... Les yeux
lui sortaient litteralement de la tete... une ecume
[5]sanglante s'agitait sur ses levres.
A peine eus-je allume la chandelle, que les agents de
police firent une exclamation etrange.
"Notre doyen!..."
Et tous trois se relevant... je les vis se regarder pales
[10]de terreur.
L'oeil de l'assassin bouffi de sang se tourna vers Madoc
...Il voulut parler... mais seulement au bout de quelques
secondes... je l'entendis murmurer:
"Quel reve!... mon Dieu... quel reve!"
[15]Puis il fit un soupir et resta immobile.
Je m'etais approche pour le voir... C'etait bien lui...
L'homme qui nous avait donne de si bons conseils sur la
route de Heidelberg... Peut-etre avait-il pressenti que
nous serions la cause de sa perte: on a parfois de ces
[20]pressentiments terribles! Comme il ne bougeait plus et
qu'un filet de sang glissait sur le plancher poudreux,
Madoc, revenu de sa surprise, se pencha sur lui et dechira
sa chemise; nous vimes alors qu'il s'etait donne un coup
de son grand
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