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moi-meme. _Le Figaro_ est un moyen comme un autre d'arriver. Le
_journalisme_ est un postulat par lequel il faut passer. Je sais que
souvent il est degoutant; mais on n'est pas oblige de se salir les
mains pour ecrire, et j'arriverai, j'espere, sans cela. Ce petit
journal fait de _l'opposition_ et de la _diffamation_. Il s'agit de ne
pas prendre l'un pour l'autre. C'est peu de chose de gagner sept
francs par colonne; mais c'est beaucoup que de se rendre necessaire
dans un bureau de litterature. Cela vous mene a tout, meme sans
_camaraderie_, et sans que la _personne_ paraisse le moins du monde.
Je n'ai affaire qu'a M. de Latouche. Je vis toujours tranquille et
retiree. Je vais au spectacle presque tous les soirs avec les loges
qu'il me donne. C'est tres agreable.
Vous saurez que j'ai debute par un _scandale_, une plaisanterie sur la
garde nationale. La police a fait saisir _le Figaro_ d'avant-hier.
Deja je m'appretais a passer six mois a la Force; car j'aurais tres
certainement pris la responsabilite de mon article. M. Vivien a senti
ce matin l'absurdite d'une poursuite de ce genre, il a fait signifier
aux tribunaux d'en rester la. Tant pis! une condamnation politique eut
fait ma reputation et ma fortune.
La litterature est dans le meme chaos que la politique. Il y une
preoccupation, une incertitude dont tout se ressent. On veut du neuf,
et, pour en faire, on fait du hideux. Balzac est au pinacle pour avoir
peint l'amour d'un soldat pour une tigresse et celui d'un artiste pour
un _castrato_. Qu'est-ce que tout cela, bon Dieu!
Les monstres sont a la mode. Faisons des monstres! J'en _enfante_ un
fort agreable dans ce moment-ci. Je vous conterai, sur tout ce que je
vois, de singulieres particularites. Si j'avais le temps de les
enregistrer, ce serait un curieux journal.
Adieu, mon cher enfant; parlez-moi beaucoup de mon fils et de votre
sante. Je vous embrasse de tout mon coeur.
LXIV
A MADAME MAURICE DUPIN, A PARIS
Nohant, 14 avril 1831.
Ma chere maman,
J'ai bien tarde a vous annoncer mon arrivee, parce que j'ai sejourne
quelques jours a Bourges, ou j'ai ete assez malade. Je me porte bien
tout a fait, depuis que j'ai revu mes enfants. Ce sont deux amours.
Solange est devenue belle comme un ange. Il n'y a pas de rose assez
fraiche pour vous donner l'idee de sa fraicheur. Maurice est toujours
mince; mais il se porte bien et on ne peut voir d'enfant plus ai
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