, qui lui a dit comme ca:
--Tonnerre de Dieu, sire, c'est trop fort!
--Vous croyez? qu'a dit le roi citoyen, faut-il que je me fache?
--Oui, sire, faut vous facher.
Alors le roi citoyen s'est fache. Et voila qu'on a saisi _le Figaro_
et qu'on lui intente un _proces de tendance_. Si on incrimine les
articles en particulier, le mien le sera _pour sur_. Je m'en declare
l'auteur et je me fais mettre en prison. Vive Dieu! quel scandale a la
Chatre! Quelle horreur, quel desespoir dans ma famille! Mais ma
reputation est faite et je trouve un editeur pour acheter mes
platitudes et des sots pour les lire. Je donnerais neuf francs
cinquante centimes pour avoir le bonheur d'etre condamnee.
Je ne vous dis rien de _la Nouvelle Atala_. Je l'ai avalee, il m'en
souviendra! J'en ai eu le cholera-morbus pendant trois jours. Vous en
verrez l'analyse un de ces jours dans votre journal.
Bonsoir, mon cher camarade; je vous embrasse de tout mon coeur.
Ecrivez-moi plus souvent et quand meme vous seriez de mauvaise humeur,
n'ai-je pas aussi mes jours _nebuleux_? Quand je serai _cheux_ nous,
c'est-a-dire le mois prochain, si vous vous ennuyez, vous viendrez me
voir. Nous mettrons nos deux ennuis ensemble et nous tacherons de les
jeter a l'eau, pour peu qu'il y ait de l'eau.
Je ne vous dis rien de votre _affaire d'honneur_. Etes-vous assez
bete! je me reserve de vous laver la tete; mais ne recommencez pas
souvent ces sottises-la.
Adieu.--Bonsoir.--Embrassez pour moi votre chere mere et aimez-moi
toujours _un brin_.
LXIII
A M. JULES BOUCOIRAN, A NOHANT
Paris, 9 mars 1831.
Mon cher enfant,
Je suis triste. De loin encore, on essaye de me faire du mal. Une
lettre de mon frere, aigre jusqu'a l'amertume, contient ce qui suit:
_Ce que tu as fait de mieux, c'est ton fils; il t'aime plus que
personne au monde. Prends garde d'emousser ce sentiment-la._
Il y a la bien de la cruaute. C'est me dire, qu'un jour je ne
trouverai meme pas la tendresse de mon enfant. Sans doute, s'il porte
un coeur egoiste et froid, je dois m'y attendre. Mais il n'en sera pas
ainsi, n'est-ce pas?
Vous etes aupres de lui, vous lui parlez de moi et vous me conservez
mon bien le plus precieux: l'amour de mon fils? Bah! j'ai tort d'etre
triste. C'est vous faire injure. Je suis tranquille.
On me blame, a ce qu'il parait, d'ecrire dans _le Figaro_. Je m'en
moque. Il faut bien vivre et je suis assez fiere de gagne
|