ns. Donc, il s'agit, avant tout cela, des
interets moraux du prince et d'un des premiers devoirs de la mission
qu'il vient d'accepter. Voila pourquoi j'ai pris tout de suite a coeur
cette question des qu'elle m'a ete exposee; et, comme il importe
beaucoup qu'elle soit une des premieres qu'il examine, je vous demande
d'ecouter, pendant dix minutes seulement, mon ami Emile Aucante, qui la
connait a fond et qui sait parfaitement la resumer en peu de mots. C'est
un homme serieux qui sait la valeur du temps et une conscience a l'abri
de toute preoccupation personnelle. Ce qu'il est charge de demander est
un bienfait general, et non point une faveur particuliere; c'est une
enquete, c'est un travail et une decision ministerielle; c'est le
redressement d'une erreur qui interesse trente mille habitants de
l'Algerie.
Les pieces ont ete presentees a l'empereur, trop recemment pour avoir
obtenu une solution. Il dependra peut-etre de vous qu'elles ne subissent
pas l'agonie de leur numero d'ordre, et qu'elles prennent la place qui
leur appartient par leur importance.
Je vous demande pardon de ne pas mieux savoir me resumer moi-meme, et de
vous dire cela en trop de mots. Mais il n'en faut qu'un pour vous dire
l'amitie qu'on se permet d'avoir ici pour vous.
GEORGE SAND.
CDXXXVII
A M. FREDERIC VILLOT, A PARIS
Nohant, 4 septembre 1858.
Cher monsieur,
On me prie de faire passer sous les yeux de Son Altesse une nouvelle
note relative a l'affaire du chemin de fer de Blidah. Cette note me
parait trop serieuse pour ne pas etre soumise a ses reflexions, et
j'espere que le grand evenement administratif de la suppression du
gouvernement general va donner au prince la liberte de faire justice.
Je me rejouis beaucoup, sous tous les rapports, de cette augmentation
necessaire de son autorite. J'espere qu'il pensera a mes pauvres amis
litteralement _deportes_ en Afrique. Parlez-lui, je vous en supplie,
de _Patureau-Francoeur_, qu'il avait deja sauve, et que le farouche
ministere de la derniere reaction a exile, interne en Afrique, dans un
climat impossible, ou le plus courageux des ouvriers ne trouve pas a
gagner sa vie. Pendant ce temps, sa femme et ses cinq enfants meurent de
faim. Et c'est un homme d'elite, comme caractere et comme intelligence,
que ce Patureau. Il _haissait_ l'attentat, il s'abstenait de toute
opinion d'ailleurs, ayant tout sacrifie au devoir de nourrir sa famille.
On l'
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