ux premiers points accomplis, il se mit a la
recherche du peintre qui devait faire l'enseigne.
Le peintre fut bientot trouve.
C'etait un vieil Italien emule des Raphael et des Carrache, mais
emule malheureux. Il se disait de l'ecole venitienne, sans doute
parce qu'il aimait fort la couleur. Ses ouvrages, dont jamais il
n'avait vendu un seul, tiraient l'oeil a cent pas et deplaisaient
formidablement aux bourgeois, si bien qu'il avait fini par ne plus
rien faire.
Il se vantait toujours d'avoir peint une salle de bains pour
Mme la marechale d'Ancre, et se plaignait que cette salle eut ete
brulee lors du desastre du marechal.
Cropoli, en sa qualite de compatriote, etait indulgent pour
Pittrino. C'etait le nom de l'artiste. Peut-etre avait-il vu les
fameuses peintures de la salle de bains. Toujours est-il qu'il
avait dans une telle estime, voire dans une telle amitie, le
fameux Pittrino, qu'il le retira chez lui. Pittrino, reconnaissant
et nourri de macaroni, apprit a propager la reputation de ce mets
national, et, du temps de son fondateur, il avait rendu par sa
langue infatigable des services signales a la maison Cropoli.
En vieillissant, il s'attacha au fils comme au pere, et peu a peu
devint l'espece de surveillant d'une maison ou sa probite integre,
sa sobriete reconnue, sa chastete proverbiale, et mille autres
vertus que nous jugeons inutile d'enumerer ici, lui donnerent
place eternelle au foyer, avec droit d'inspection sur les
domestiques. En outre, c'etait lui qui goutait le macaroni, pour
maintenir le gout pur de l'antique tradition; il faut dire qu'il
ne pardonnait pas un grain de poivre de plus, ou un atome de
parmesan en moins. Sa joie fut bien grande le jour ou, appele a
partager le secret de Cropole fils, il fut charge de peindre la
fameuse enseigne.
On le vit fouiller avec ardeur dans une vieille boite, ou il
retrouva des pinceaux un peu manges par les rats, mais encore
passables, des couleurs dans des vessies a peu pres dessechees, de
l'huile de lin dans une bouteille, et une palette qui avait
appartenu autrefois au Bronzino, ce _diou_ de la _pittoure_, comme
disait, dans son enthousiasme toujours juvenile, l'artiste
ultramontain.
Pittrino etait grandi de toute la joie d'une rehabilitation. Il
fit comme avait fait Raphael, il changea de maniere et peignit a
la facon d'Albane deux deesses plutot que deux reines. Ces dames
illustres etaient tellement gracieuses sur l'enseigne, elles
offraient
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