le; mais cela n'empeche point qu'on ne se serre la
main quand on se rencontre en terre neutre. Je vous repete donc,
soyez le bienvenu, surtout si vous voulez bien me dire pourquoi
vous venez.
-- Merci; mais, avant tout, lisez ceci.
Et l'Anglais tira un papier de sa poche.
-- Qu'est-ce? demanda Roland.
-- Mon passeport.
-- Qu'ai-je affaire de votre passeport? demanda Roland; je ne suis
pas gendarme.
-- Non; mais comme je viens vous offrir mes services, peut-etre ne
les accepteriez-vous point, si vous ne saviez pas qui je suis.
-- Vos services, monsieur?
-- Oui; mais lisez.
"Au nom de la Republique francaise, le Directoire executif invite
a laisser circuler librement, et a lui preter aide et protection
en cas de besoin, sir John Tanlay, dans toute l'etendue du
territoire de la Republique.
"Signe: FOUCHE."
-- Et plus bas, voyez.
"Je recommande tout particulierement a qui de droit sir John
Tanlay comme un philanthrope et un ami de la liberte.
"Signe: BARRAS."
-- Vous avez lu?
-- Oui, j'ai lu; apres?...
-- Oh! apres?... Mon pere, milord Tanlay, a rendu des services a
M. Barras; c'est pourquoi M. Barras permet que je me promene en
France, et je suis bien content de me promener en France; je
m'amuse beaucoup.
-- Oui, je me le rappelle, sir John; vous nous avez deja fait
l'honneur de nous dire cela a table.
-- Je l'ai dit, c'est vrai; j'ai dit aussi que j'aimais beaucoup
les Francais.
Roland s'inclina.
-- Et surtout le general Bonaparte, continua sir John.
-- Vous aimez beaucoup le general Bonaparte?
-- Je l'admire; c'est un grand, un tres grand homme.
-- Ah! pardieu! sir John, je suis fache qu'il n'entende pas un
Anglais dire cela de lui..
-- Oh! s'il etait la, je ne le dirais point.
-- Pourquoi?
-- Je ne voudrais pas qu'il crut que je dis cela pour lui faire
plaisir, je dis cela parce que c'est mon opinion.
-- Je n'en doute pas, milord, fit Roland, qui ne savait pas ou
l'Anglais en voulait venir, et qui, ayant appris par le passeport
ce qu'il voulait savoir, se tenait sur la reserve.
-- Et quand j'ai vu, continua l'Anglais avec le meme flegme, quand
j'ai vu que vous preniez le parti du general Bonaparte, cela m'a
fait plaisir.
-- Vraiment?
-- Grand plaisir, fit l'Anglais avec un mouvement de tete
affirmatif.
-- Tant mieux!
-- Mais quand j'ai vu que vous jetiez une assiette a la tete de
M. Alfred de Barjols, cela m'a fait de la peine.
-- Cela v
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