llait s'accomplir.
Rien a voir a la droite de Roland, ni a la gauche de
M. de Barjols; c'etait la montagne descendant vers eux avec la
pente rapide et elevee d'un toit gigantesque.
Mais du cote oppose, c'est-a-dire a la droite de M. de Barjols et
a la gauche de Roland, c'etait tout autre chose.
L'horizon etait infini.
Au premier plan, c'etait cette plaine aux terrains rougeatres
trouee de tous cotes par des points de roches, et pareille a un
cimetiere de Titans dont les os perceraient la terre.
Au second plan, se dessinant en vigueur sur le soleil couchant,
c'etait Avignon avec sa ceinture de murailles et son palais
gigantesque, qui, pareil a un lion accroupi, semble tenir la ville
haletante sous sa griffe.
Au-dela d'Avignon, une lime lumineuse comme une riviere d'or fondu
denoncait le Rhone.
Enfin, de l'autre cote du Rhone, se levait, comme une lime d'azur
fonce, la chaine de collines qui separent Avignon de Nimes et
d'Uzes.
Au fond, tout au fond, le soleil, que l'un de ces deux hommes
regardait probablement pour la derniere fois, s'enfoncait
lentement et majestueusement dans un ocean d'or et de pourpre.
Au reste, ces deux hommes formaient un contraste etrange.
L'un, avec ses cheveux noirs, son teint basane, ses membres
greles, son oeil sombre, etait le type de cette race meridionale
qui compte parmi ses ancetres des Grecs, des Romains, des Arabes
et des Espagnols.
L'autre, avec son teint rose, ses cheveux blonds, ses grands yeux
azures, ses mains potelees comme celles d'une femme, etait le type
de cette race des pays temperes, qui compte les Gaulois, les
Germains et les Normands parmi ses aieux.
Si l'on voulait grandir la situation, il etait facile d'en arriver
a croire que c'etait quelque chose de plus qu'un combat singulier
entre deux hommes.
On pouvait croire que c'etait le duel d'un peuple contre un autre
peuple, d'une race contre une autre race, du Midi contre le Nord.
Etaient-ce les idees que nous venons d'exprimer qui occupaient
l'esprit de Roland et qui le plongeaient dans une melancolique
reverie?
Ce n'est point probable.
Le fait est qu'un moment il sembla oublier temoins, duel,
adversaire, abime qu'il etait dans la contemplation du splendide
spectacle.
La voix de M. de Barjols le tira de ce poetique engourdissement.
-- Quand vous serez pret, monsieur, dit-il, je le suis.
Roland tressaillit.
-- Pardon de vous avoir fait attendre, monsieur, dit-il; mais il
ne fal
|