demanda vivement:
-- Vrai ? Ou cela ?
-- Au regiment. Il y a huit ans. Il a ete mon sous-lieutenant, a Chalons, quand j'etais volontaire dans les dragons.
-- En effet. Il a passe par Saint-Cyr et est reste trois ans officier... Il a du donner sa demission a la mort de son pere pour s'occuper de ses terres du Poitou qui sont immenses. Il ne vous a pas reconnu ?
-- Oh ! c'est trop naturel. Je n'etais pas un dragon tellement eminent ! Et puis, en ce moment, il me parait hors d'etat de reconnaitre qui que ce soit. Dois-je me rappeler a lui ?
Maud reflechit un instant:
-- Vous n'avez pas oublie votre promesse ?
-- Non... Meme, si je puis vous servir en quelque chose ?
-- Oui, vous le pouvez. Rappelez-lui ou vous l'avez-vu. Apprivoisez-le. C'est un sauvage, vous savez !
-- Pour le moment, repliqua Hector, je crois qu'il flanquerait volontiers quinze jours de prison a son ancien cavalier. Regardez !
En effet, Maxime, le visage ravage, les traits crispes, guettait l'entretien d'Hector et de Maud, leur allure de confidents.
-- Je vais le calmer, fit Hector.
Il profita du remous cause par l'entree du peintre Valbelle -- grand garcon athletique, teint colore, poil grisonnant -- pour joindre Maxime.
-- Monsieur, voulez-vous me permettre d'invoquer de vieux souvenirs ? J'ai eu l'honneur de servir sous vos ordres, a Chalons. Monsieur Hector Le Tessier.
L'ironie legere dont Hector saupoudra le respect apparent de sa phrase echappa a Maxime. Sa figure se detendit, s'eclaircit. Il sera la main d'Hector.
-- Ah ! monsieur, je suis enchante... Je me rappelle fort bien... Le Tessier... Vers 84, n'est-ce pas ?
-- 83, rectifia Hector.
-- 83... Vous etes des Deux-Sevres ?
-- Oui, monsieur: de Parthenay. Je reconnais, a la fidelite de votre memoire, l'excellent officier que vous etiez.
-- J'aimais beaucoup mon metier, declara Maxime, la voix timbree d'un peu de tristesse.
Paul Le Tessier s'approchait, puis Mme de Chantel et Mme de Rouvre, surprises de voir les deux hommes en si promptes relations. On admira le hasard qui les reunissait a dix ans de distance.
-- Pas bien romanesque, le hasard, observa Paul Le Tessier. M. de Chantel a ete officier pendant trois ans, il a connu a peu pres deux mille recrues... Il doit en avoir rencontre plus d'une dans la vie, depuis.
-- Oh ! le vilain arithmeticien, dit Mme de Rouvre. Toujours des chiffres, toujours des preuves que ce qui arrive devait arriver ! Moi, je dis que c'est
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