et
souvent meme volontairement faux. Mon ami reunit l'experience a la
theorie sur ce point, et sur une foule d'autres dont je me promets les
plus heureux resultats, surtout par rapport a toi. Maintenant je te
remercie de l'attention avec laquelle tu as bien voulu m'ecouter; dis-moi
a ton tour franchement ce que tu penses, je te promets de ne pas
t'interrompre.
--Dans ce cas, repondit Charlotte, je debuterai par une observation
generale. Les hommes s'occupent surtout des faits isoles et du
present, parce que leur vie est tout entiere dans l'action, et par
consequent dans le present. Les femmes, au contraire, ne voient
que l'enchainement des divers evenements, parce que c'est de cet
enchainement que depend leur destinee et celle de leur famille, ce
qui les jette naturellement dans l'avenir et meme dans le passe.
Associe-toi un instant a cette maniere de voir, et tu reconnaitras
que la presence du capitaine chez nous, derangera la plupart de nos
projets et de nos habitudes.
--J'aime a me rappeler nos premieres relations, continua-t-elle, et,
surtout, a t'en faire souvenir. Dans notre premiere jeunesse, nous
nous aimions tendrement; et l'on nous a separes parce que ton pere, ne
comprenant d'autre bonheur que la fortune, te fit epouser une femme
agee, mais riche; le mien me maria avec un homme que j'estimais sans
pouvoir l'aimer, mais qui m'assura une belle position. Nous sommes
redevenus libres, toi le premier, et ta femme, qu'on aurait pu appeler
ta mere, te fit l'heritier de son immense fortune. Tu profitas de
ta liberte pour satisfaire ton amour pour les voyages; a ton retour
j'etais veuve. Nous nous revimes avec plaisir, avec bonheur. Le passe
nous offrait d'agreables souvenirs, nous aimions ces souvenirs, et
nous pouvions impunement nous y livrer ensemble. Tu m'offris ta main,
j'hesitai longtemps ... Nous sommes a peu pres du meme age; les femmes
vieillissent plus vite que les hommes; tu me paraissais trop jeune ...
Enfin, je n'ai pas voulu te refuser ce que tu regardais comme ton
unique bonheur ... Tu voulais te dedommager des agitations et des
fatigues de la cour, de la carriere militaire et des voyages; tu
voulais jouir enfin de la vie a mes cotes, mais avec moi seule.
Je me resignai a placer ma fille unique dans un pensionnat, ou elle
pouvait, au reste, recevoir une education plus convenable qu'a la
campagne. Je pris le meme parti pour ma chere niece Ottilie, qui eut,
peut-etre, ete plus a sa place pres de m
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