ant elle; se retournant a chaque instant, il admirait
l'equilibre gracieux avec lequel cette jeune fille se balancait, pour
ainsi dire, au-dessus de sa tete; mais des que les pierres qui lui
servaient de marches se trouvaient a des distances trop eloignees,
il lui tendait la main et elle y posait la sienne. Parfois meme elle
s'appuyait sur son epaule, et alors il lui semblait qu'un etre celeste
daignait le toucher pour se mettre en rapport avec lui. Dans son
exaltation, il aurait voulu la voir chanceler, afin d'avoir un
pretexte pour la recevoir dans ses bras et la presser sur son coeur,
et cependant il n'aurait pas ose appuyer sa poitrine sur la sienne; il
aurait craint non-seulement de l'offenser, mais meme de la blesser.
Nous ne tarderons pas a apprendre a connaitre la cause de cette
crainte.
Arrive enfin au moulin, il s'assit en face d'Ottilie devant une petite
table sur laquelle la meuniere venait de placer une jatte de lait,
tandis que le meunier courait au-devant de Charlotte et du Capitaine
pour les amener par un sentier commode et sur.
Apres avoir contemple un instant en silence sa charmante compagne,
Edouard lui dit avec un trouble visible:
--J'ai une grace a vous demander, chere Ottilie, et si vous croyez
devoir me la refuser, pardonnez-moi, du moins, de ne pas avoir eu le
courage de me taire. Vous portez sur votre poitrine le portrait de
votre pere, homme excellent que vous avez a peine connu, et qui,
certes, merite une place sur votre coeur; mais le medaillon est si
grand ... je tremble quand vous prenez un enfant sur vos bras, quand
la voiture penche, quand un valet passe trop pres de vous, quand vous
marchez sur un sentier raboteux ... Si le verre venait a se briser!...
Cette idee me torture sans cesse!... J'ai souffert horriblement tout
a l'heure en vous voyant descendre les rochers ... Ne bannissez pas ce
portrait de votre pensee, donnez-lui la place la plus belle dans votre
chambre, au chevet de votre lit; mais eloignez-le de votre sein ...
Ma crainte est exageree peut-etre, mais il m'est impossible de la
surmonter.
Ottilie l'avait ecoute en silence et les yeux fixes vers la terre. Des
qu'il cessa de parler, elle detacha le portrait de la chaine qui le
retenait, le pressa contre son front, leva les yeux vers le ciel
plutot que vers son ami, et lui remit le medaillon sans hesitation et
sans empressement.
--Prenez-le, lui dit-elle, vous me le rendrez quand nous serons de
retour au chateau,
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