par une foule de gracieuses concessions, que leur
delicatesse exquise savait rendre imperceptibles.
La conversation ne tarda pas a devenir generale et tres-animee, et
cette petite societe ne semblait plus faire qu'une seule et meme
famille.
Au bout de quelques heures, les dames se retirerent dans l'aile du
chateau qui leur etait specialement reservee; elles avaient tant de
choses a se dire! La coupe des robes, la couleur des etoffes et
la forme des chapeaux a la mode jouerent un grand role dans leurs
causeries confidentielles. De leur cote, les hommes se montrerent
leurs chevaux, leurs voitures, leurs equipages de chasse, et se
mirent a troquer, a vendre et a acheter selon leurs caprices et leurs
fantaisies.
A l'heure du diner on se retrouva avec un plaisir nouveau. Le
changement que le Comte et la Baronne avaient fait subir a leur
toilette, annoncerent un tact parfait, car s'ils ne possedaient que
des vetements a la derniere mode, et par consequent encore inconnus
aux habitants du chateau, ils avaient su les ajuster de maniere a
modifier le cachet de nouveaute et d'elegance qui aurait pu choquer
leurs amis ou blesser leur amour-propre.
On parla francais, afin de ne pas etre compris par les domestiques qui
servaient a table. Il etait bien naturel qu'apres une assez longue
separation on eut beaucoup de choses a se demander et a s'apprendre.
Charlotte s'informa avec interet d'une amie qui, depuis qu'elle
l'avait perdue de vue, s'etait avantageusement mariee. Le comte lui
dit qu'elle etait sur le point de divorcer.
--Voici une nouvelle, s'ecria-t-elle, qui m'afflige autant qu'elle me
surprend. Rien n'est plus douloureux que d'apprendre qu'une personne
qui nous interesse et que l'on croyait heureuse et tranquille au port,
a ete jetee de nouveau sur une mer incertaine et orageuse.
--De pareils changements, reprit le Comte, nous etonneraient moins,
si nous n'attachions pas aux relations de cette vie passagere, et
principalement aux liens du mariage, une idee de stabilite impossible.
Le mariage, surtout, nous apparait toujours tel qu'on nous le
represente au theatre, c'est-a-dire, comme un but final vers lequel
les heros tendent pendant toute la duree de la piece, et dont une
foule d'obstacles, sans cesse renaissants, les repoussent malgre eux,
jusqu'au moment ou le rideau va et doit tomber: car, des que ce
but est atteint, la piece est finie. Les spectateurs emportent un
sentiment de satisfaction complet, qu'il
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