chaque jour.
Lorsqu'une passion naissante ou contrariee vient se meler aux allures
habituelles d'une famille, la fermentation que cause ce nouvel element
reste toujours si longtemps imperceptible, que l'on ne s'en apercoit
que lorsqu'il est trop tard pour l'arreter.
Les liens nouveaux qui commencaient a se former entre nos quatre
amis produisirent d'abord les resultats les plus heureux; les coeurs
s'epanouissaient et les penchants particuliers s'annoncaient sous la
forme d'une bienveillance generale. Chaque couple se sentait heureux
et s'applaudissait du bonheur de l'autre. De semblables situations
elevent l'esprit, dilatent le coeur et donnent a toutes les facultes
intellectuelles un vague desir de l'immense, un pressentiment de
l'infini.
Nos amis subirent cette loi jusque dans les circonstances les plus
insignifiantes; ils se confinerent beaucoup moins souvent au chateau,
et pousserent leurs promenades beaucoup plus loin qu'a l'ordinaire.
Edouard et Ottilie prenaient presque toujours le devant, tantot pour
aller chercher une voiture, et tantot pour decouvrir des lieux de
repos inconnus. Le Capitaine et Charlotte suivaient sans defiance
et sans inquietude les traces des deux aventuriers; souvent ils les
oubliaient completement, tant leur conversation calme et grave en
apparence avait de charme pour eux.
Un jour ils dirigerent leur promenade vers l'auberge du village,
passerent les ponts et arriverent aupres des etangs dont ils suivirent
les bords que fermaient les collines boisees jusqu'au point ou des
rochers arides les rendaient impraticables. Il paraissait impossible
de pousser la promenade plus loin. Edouard cependant gravit la
montagne avec Ottilie; car il savait que dans cette agreste solitude
il trouverait un moulin aussi remarquable par sa situation que par
l'anciennete de sa structure.
Apres avoir erre pendant quelque temps au milieu de rochers couverts
de mousse, il s'apercut qu'il s'etait egare, ce qui l'inquieta
d'autant plus, qu'il n'osa l'avouer a sa compagne. Heureusement il ne
tarda pas a entendre le bruit du traquet du moulin et le bruissement
d'un torrent. En suivant la direction de ce bruit, ils s'avancerent
sur la pointe d'un roc d'ou ils apercurent a leurs pieds, au fond d'un
ravin que traversait un ruisseau rapide, une noire et antique maison
de bois ombragee par des arbres centenaires et des rochers a pic.
Ottilie se decida courageusement a descendre vers cet abime, Edouard
marcha dev
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