je veux bien le croire. Si vous m'avez prepare
une deception, je ne m'occuperai plus jamais de vous. Suivez-moi aussi
vite que vous le pourrez; je ralentirai le pas de mon cheval, cela le
reposera.
Arrives dans la salle a manger ou le dejeuner etait servi, Mittler
raconta avec feu ce qu'il avait fait et ce qu'il lui restait encore
a faire dans le courant de la journee.
Cet homme singulier avait ete pendant sa jeunesse ministre d'une
grande paroisse de campagne, ou, par son infatigable activite, il
avait apaise toutes les querelles de menage et termine tous les
proces. Tant qu'il fut dans l'exercice de ses fonctions, il n'y eut
pas un seul divorce dans sa paroisse, et pas un proces ne fut porte
devant les tribunaux. Pour atteindre ce but il avait ete force
d'etudier les lois, et il etait devenu capable de tenir tete aux
avocats les plus habiles. Au moment ou le gouvernement venait d'ouvrir
les yeux sur son merite, et allait l'appeler dans la capitale, afin de
le mettre a meme d'achever, dans une sphere plus elevee, le bien qu'il
avait commence dans son modeste cercle d'activite, le hasard lui fit
gagner a la loterie une somme qu'il employa aussitot a l'achat d'une
petite terre ou il resolut de passer sa vie. S'en remettant, pour
l'exploitation de cette terre, aux soins de son fermier, il se
consacra tout entier a la tache penible d'etouffer les haines et les
mesintelligences des leur point de depart. A cet effet, il s'etait
promis de ne jamais s'arreter sous un toit ou il n'y avait rien a
calmer, rien a apaiser, rien a reconcilier. Les personnes qui aiment
a trouver des indices prophetiques dans les noms propres soutenaient
qu'il avait ete predestine a cette carriere parce qu'il s'appelait
Mittler (_mediateur_).
On servit le dessert et Mittler pria serieusement les epoux de ne pas
retarder davantage les confidences qu'ils avaient a lui faire, parce
qu'immediatement apres le cafe, il serait force de partir.
Les epoux s'executerent alternativement et de bonne grace. Il les
ecouta d'abord avec attention, puis il se leva d'un air contrarie,
ouvrit la fenetre et demanda son cheval.
--En verite, dit-il, ou vous ne me connaissez point, ou vous etes
de mauvais plaisants. Il n'y a ici ni querelle ni division, et, par
consequent, rien a faire pour moi. Me croiriez-vous ne, par hasard,
pour donner des conseils? Grand merci d'un pareil metier, c'est le
plus mauvais de tous. Que chacun se conseille soi-meme et fasse ce
do
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