tion du chateau, semblaient applaudir aux sentiments et aux
souhaits des amis qui ecoutaient en silence, se renfermaient dans
leurs souvenirs, et goutaient doublement leur bonheur personnel dans
cette heureuse reunion. Edouard prit le premier la parole, se leva et
sortit de la cabane.
--Conduisons notre ami sur les hauteurs, dit-il a sa femme, car il ne
faut pas qu'il s'imagine que cette etroite vallee est notre unique
sejour et renferme toutes nos possessions. Sur ces hauteurs le regard
est plus libre et la poitrine s'elargit.
--Je le veux bien, repondit Charlotte, mais il faudra vous decider a
gravir le vieux sentier rapide et incommode; j'espere que bientot les
degres et la route que je me propose de faire faire nous y conduiront
plus facilement.
Ils monterent gaiment a travers les buissons, les epines et les
pointes de rocher, jusqu'a la cime la plus elevee qui ne formait pas
un plateau, mais la continuation d'une pente fertile. L'on ne tarda
pas a perdre de vue le village et le chateau. Dans le fond on voyait
trois larges etangs; au-dela, des collines boisees qui se glissaient
le long des rivages, puis des masses arides servant de cadre definitif
au miroir des eaux, dont la surface immobile reflechissait les formes
imposantes de ces masses. A l'entree d'un ravin d'ou un ruisseau se
precipitait dans l'etang avec l'impetuosite d'un torrent, on voyait
un moulin qui, a demi cache par des touffes d'arbres, promettait un
agreable lieu de repos. Toute l'etendue du demi-cercle qu'embrassait
le regard offrait une variete agreable de bas-fonds et de tertres, de
bosquets et de forets, dont les feuillages naissants promettaient
de riches masses de verdure. Ca et la, des touffes d'arbres isoles
attiraient l'attention. Parmi ces derniers, se distinguait un groupe
de peupliers et de platanes qui s'elevaient sur les bords de l'etang
du milieu, et etendaient leurs vertes branches avec la vigueur d'une
vegetation puissante et robuste. Ce fut sur ce groupe qu'Edouard
attira l'attention de son ami.
--Regarde ces beaux arbres, lui dit-il, je les ai plantes moi-meme
pendant mon enfance. Mon pere les avait trouves si faibles, qu'il ne
voulut pas leur donner une place dans le grand jardin du chateau, dont
il s'occupait alors. Il les avait fait jeter; je les ramassai pour les
planter sur les bords de cet etang. Ils me donnent chaque annee une
preuve nouvelle de leur reconnaissance en devenant toujours plus
grands et plus beaux. J'
|