L'esprit debarrasse de tout souci, il s'empressa d'ecrire
a son ami, et pria Charlotte d'ajouter quelques lignes a sa lettre.
Elle y consentit. Mais au lieu de s'acquitter de cette tache avec la
facilite gracieuse qui la caracterisait, elle y mit une precipitation
passionnee qui ne lui etait pas ordinaire. Il lui arriva meme de
faire sur le papier une tache d'encre qui s'agrandit a mesure qu'elle
cherchait a l'effacer, ce qui la contraria beaucoup.
Edouard la plaisanta sur cet accident, et, comme il y avait encore de
la place pour un second _Post-Scriptum_, il pria son ami de voir dans
cette tache d'encre, la preuve de l'impatience avec laquelle Charlotte
attendait son arrivee, et de mettre autant d'empressement dans ses
preparatifs de voyage qu'on en avait mis a lui ecrire.
Un messager emporta la lettre, et le Baron crut devoir exprimer sa
reconnaissance a sa femme, en l'engageant de nouveau a retirer Ottilie
du pensionnat, pour la faire venir pres d'elle. Charlotte ne jugea
pas a propos de prendre une pareille determination avant d'y avoir
murement reflechi. Pour detourner l'entretien de ce sujet, elle
engagea son mari a l'accompagner au piano avec sa flute, dont il
jouait fort mediocrement. Quoique ne avec des dispositions musicales,
il n'avait eu ni le courage ni la patience de consacrer a ce travail
le temps qu'exige toujours le developpement d'un talent quelconque.
Allant toujours ou trop vite ou trop doucement, il eut ete impossible
a toute autre qu'a Charlotte, de tenir une partie avec lui. Maitresse
absolue de l'instrument sur lequel elle avait acquis une grande
superiorite, elle pressait et ralentissait tour a tour la mesure sans
alterer la nature du morceau, et remplissait ainsi, envers son mari,
la double tache de chef d'orchestre et de femme de menage, puisqu'il
est du devoir de l'un et de l'autre de maintenir l'ensemble dans son
mouvement regulier, en depit des deviations reiterees des details.
CHAPITRE III.
Le Capitaine arriva enfin, il s'etait fait preceder par une lettre
tellement sage et sensee, que Charlotte se sentit completement
rassuree. La justesse avec laquelle il envisageait sa position et
celle de ses amis, leur permit a tous d'esperer un heureux avenir.
Pendant les premieres heures la conversation fut animee, presque
fatigante, comme cela arrive toujours entre amis qui ne se sont pas
vus depuis longtemps. Vers le soir, Charlotte proposa d'aller visiter
les plantations nouvel
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