oi et m'aidant a diriger ma
maison. Tout cela s'est fait de ton consentement, et dans le seul but
de pouvoir vivre pour nous seuls, et jouir dans toute sa plenitude du
bonheur que nous avons vainement desire dans notre premiere jeunesse,
et que la marche des evenements venait enfin de nous accorder.
C'est dans ces dispositions que nous sommes arrives dans ce sejour
champetre; je me suis chargee des details et de l'interieur, et toi
de l'ensemble et des relations exterieures. Je me suis arrangee de
maniere a prevenir chacun de tes desirs, et a ne vivre que pour toi.
Laisse-nous essayer, du moins pendant quelque temps encore, jusqu'a
quel point nous pourrons ainsi nous suffire a nous-memes.
--Il n'est que trop vrai, s'ecria le Baron, l'enchainement des
evenements, voila l'element des femmes, aussi ne faut-il jamais vous
laisser enchainer vos objections, ou se resigner d'avance a vous
donner gain de cause. Je conviens donc que tu as eu completement
raison jusqu'a ce jour. Tout ce que nous avons plante et bati depuis
notre sejour ici est bon et utile, mais n'y ajouterons-nous plus rien?
Tous ces beaux plans n'auront-ils pas d'autres developpements? Tout ce
que je fais dans les jardins, tes embellissements dans le parc et
les alentours, ne serviront-ils jamais qu'a la satisfaction de deux
ermites?
--Je te comprends, mon ami; mais songe que nous devons, avant tout,
eviter d'introduire dans notre cercle etroit, quelque chose d'etranger
et par consequent de nuisible. Tous nos projets ne peuvent se realiser
qu'a condition que nous ne serons jamais que nous deux. Tu voulais me
communiquer avec suite ton journal de voyages, et y ajouter, a cette
occasion, certains papiers qui en font partie. Encourage par l'interet
que m'inspirent ces precieuses feuilles, eparses et confuses, tu te
proposais d'en faire un tout aussi agreable pour nous que pour les
autres. J'ai promis de t'aider a copier, et nous etions deja heureux
par la pensee, en songeant que nous pourrions parcourir ainsi
ensemble, commodement, mysterieusement et idealement ce monde, dont
nous nous sommes exiles par notre propre volonte. Et puis, n'as-tu
pas repris ta flute afin de m'accompagner sur le piano pendant les
soirees? Ne comptes-tu pour rien les voisins qui viennent nous voir
souvent, et que nous visitons a notre tour? Quant a moi, j'ai trouve
dans tout ceci des ressources suffisantes pour passer l'ete le plus
agreable de ma vie.
Edouard passa la main sur son
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