si on examine bien ces Contes, on verra que je ne suis pas aussi
blamable que je le parois d'abord. Ils renferment tous une Morale
tres-sensee, & qui se decouvre plus ou moins, selon le degre de
penetration de ceux qui les lisent; d'ailleurs comme rien ne marque tant
la vaste estendue d'un esprit, que de pouvoir s'elever en meme-temps aux
plus grandes choses, & s'abaisser aux plus petites; on ne sera point
surpris que la meme Princesse, a qui la Nature & l'education ont rendu
familier ce qu'il y a de plus eleve, ne dedaigne pas de prendre plaisir
a de semblables bagatelles. Il est vray que ces Contes donnent une image
de ce qui se passe dans les moindres Familles, ou la loueable impatience
d'instruire les enfans, fait imaginer des Histoires depourveues de
raison, pour s'accommoder a ces memes enfans qui n'en ont pas encore;
mais a qui convient-il mieux de connoitre comment vivent les Peuples,
qu'aux Personnes que le Ciel destine a les conduire? Le desir de cette
connoissance a pousse des Heros, & meme des Heros de vostre Race, jusque
dans des huttes & des cabanes, pour y voir de pres & par eux-memes ce
qui s'y passoit de plus particulier: Cette connoissance leur ayant paru
necessaire pour leur parfaite instruction. Quoi qu'il en soit,_
MADEMOISELLE,
Pouvois-je mieux choisir pour rendre vrai-semblable
Ce que la Fable a d'incroyable?
Et jamais Fee, au tems jadis
Fit-elle a jeune Creature,
Plus de dons, & de dons exquis,
Que vous en a fait la Nature.
_Je suis avec un tres-profond respect,_
MADEMOISELLE,
De Votre Altesse Royale,
Le tres-humble &
tres-obeissant serviteur,
P. DARMANCOUR.
LA BELLE AU BOIS DORMANT
_CONTE._
Il estoit une fois un Roi & une Reine, qui estoient si faschez de
n'avoir point d'enfans, si faschez qu'on ne scauroit dire. Ils allerent
a toutes les eaux du monde, voeux, pelerinages, menues devotions; tout
fut mis en oeuvre, & rien n'y faisoit: Enfin pourtant la Reine devint
grosse, & accoucha d'une fille: on fit un beau Baptesme; on donna pour
Maraines a la petite Princesse toutes les Fees qu'on pust trouver dans
le Pays, (il s'en trouva sept,) afin que chacune d'elles luy faisant un
don, comme c'estoit la coustume des Fees en ce temps-la, la Princesse
eust par ce moyen toutes les perfections imaginables. Apres les
ceremonies du Baptesme toute la compagnie revint au Palais du Roi, ou il
y avoit un grand fes
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