esonna sous
son poids. Les assassins s'elancerent pour me garrotter, et je ne
fis aucune resistance. Stupefait devant le cadavre de ma mere, ne
comprenant rien a la mort, je la caressais en gemissant, en la
suppliant de se relever et de fuir avec moi. Elle ne respirait plus,
mais des flots de larmes coulaient encore de ses yeux eteints. On me
jeta une natte epaisse sur la tete, je ne vis plus rien, mes quatre
jambes etaient prises dans quatre cordes de cuir d'elan. Je ne voulais
plus rien savoir, je ne me debattais pas, je pleurais, je sentais ma
mere pres de moi, je ne voulais pas m'eloigner d'elle, je me couchai.
On m'emmena je ne sais comment et je ne sais ou. Je crois qu'on attela
tous les chevaux pour me trainer sur le sable en pente du rivage
jusqu'a une sorte de fosse ou on me laissa seul.
"Je ne me rappelle pas combien de temps je restai la, prive de
nourriture, devore par la soif et par les mouches avides de mon sang.
J'etais deja fort, j'aurais pu demolir cette cave avec mes pieds de
devant et me frayer un sentier, comme ma mere m'avait enseigne a le
faire dans les versants rapides. Je fus longtemps sans m'en aviser.
Sans connaitre la mort, je haissais l'existence et ne songeais pas
a la conserver. Enfin, je cedai a l'instinct et je jetai des cris
farouches. On m'apporta aussitot des cannes a sucre et de l'eau. Je
vis des tetes inquietes se pencher sur les bords du silo ou j'etais
enseveli. On parut se rejouir de me voir manger et boire; mais, des
que j'eus repris des forces, j'entrai en fureur et je remplis la terre
et le ciel des eclats retentissants de ma voix. Alors, on s'eloigna,
me laissant demolir la berge verticale de ma prison, et je me crus
en liberte; mais j'etais dans un parc forme de tiges de bambous
monstrueux, relies les uns aux autres par des lianes si bien serrees
que je ne pus en ebranler un seul. Je passai encore plusieurs jours a
essayer obstinement ce vain travail, auquel resistait le perfide
et savant travail de l'homme. On m'apportait mes aliments et on me
parlait avec douceur. Je n'ecoutais rien, je voulais fondre sur mes
adversaires, je frappais de mon front avec un bruit affreux les
murailles de ma prison sans pouvoir les ebranler; mais, quand j'etais
seul, je mangeais. La loi imperieuse de la vie l'emportait sur mon
desespoir, et, le sommeil domptant mes forces, je dormais sur les
herbes fraiches dont on avait jonche ma cage.
"Enfin, un jour, un petit homme noir, vetu seulement d
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