onnant aucune roche d'ou ce fragment put provenir.
L'armurier recommanda a son monde de bien surveiller les cailloux que
charriait le ruisseau; mais ils eurent beau chercher et attendre, ils
n'en trouverent pas d'autre et celui-ci resta dans l'atelier comme un
objet des plus rares et des plus precieux.
A quelques jours de la, un homme bleu descendit de la colline et somma
l'armurier de lui livrer sa commande. Cet homme bleu, qui etait blanc
en dessous, avait la figure et le corps peints avec le suc d'une
plante qui fournissait aux chefs et aux guerriers ce que les Indiens
d'aujourd'hui appellent encore leur peinture de guerre. Il etait donc
de la tete aux pieds d'un beau bleu d'azur et la famille de l'armurier
le contemplait avec admiration et respect.
Il avait commande une hache de silex, la plus lourde et la plus
tranchante qui eut ete jamais fabriquee depuis l'age du renne, et
cette arme formidable lui fut livree, moyennant le prix de deux peaux
d'ours, selon qu'il avait ete convenu. L'homme bleu ayant paye, allait
se retirer, lorsque l'armurier lui montra son caillou de cornaline
en lui proposant de le faconner pour lui en hache ou en casse-tete.
L'homme bleu, emerveille de la beaute de la matiere, demanda un
casse-tete qui serait en meme temps un couteau propre a depecer les
animaux apres les avoir assommes. On lui fabriqua donc avec ce caillou
merveilleux un outil admirable auquel, a force de patience, on put
meme donner le poli jusqu'alors inconnu a une industrie encore privee
de meules; et, pour porter au comble la satisfaction de l'homme bleu,
un des fils de l'armurier, enfant tres-adroit et tres-artiste, dessina
avec une pointe faite d'un eclat, la figure d'un daim sur un des cotes
de la lame. Un autre, apprenti tres-habile au montage, enchassa l'arme
dans un manche de bois fendu par le milieu et assujetti aux extremites
par des cordes de fibres vegetales tres-finement tressees et d'une
solidite a toute epreuve.
L'homme bleu donna douze peaux de daim pour cette merveille et
l'emporta, triomphant, dans sa mardelle immense, car il etait un grand
chef de clan, enrichi a la chasse et souvent victorieux a la guerre.
Vous savez ce qu'est une mardelle: vous avez vu ces grands trous
beants au milieu de nos champs, aujourd'hui cultives, jadis couverts
d'etangs et de forets. Plusieurs ont de l'eau au fond tandis qu'a un
niveau plus eleve, on a trouve des cendres, des os, des debris de
poteries et des pierres dis
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