un test d'aspect cristallin qui avait reellement bonne mine.
--Vous ne me ferez pas croire, lui dis-je, que ceci soit une huitre!
--Pardon, c'est une veritable huitre, monsieur!
--Huitre vous-meme! m'ecriai-je furieux. J'avais recu de sa petite
patte maigre le mollusque nacre sans me douter de son poids. Il etait
tel, que, ne m'attendant a rien, je le laissai tomber sur mon pied, ce
qui, ajoute a l'ennui que me causait la nomenclature pedantesque du
gnome, me mit, je l'avoue, dans une veritable colere; et, comme il
riait mechamment, sans paraitre offense le moins du monde d'etre
traite d'huitre, je voulus lui jeter quelque chose a la tete. Je ne
suis pas cruel, meme dans la colere, je l'aurais tue avec l'huitre
_pied de lion_; je me contentai de lui lancer dans la figure une
poignee de menue mitraille que je trouvai sous ma main et qui ne lui
fit pas grand mal.
Mais alors il entra en fureur, et, reculant d'un pas, il saisit un
gros marteau d'acier qu'il brandit d'une main convulsive.
--Vous n'etes pas une huitre, vous! s'ecria-t-il d'une voix
glapissante comme la vague qui se brise sur les galets. Non! vous
n'etes pas a la hauteur de ce doux mollusque, _ostrea oedulis_ des
temps modernes, qui ne fait de mal a personne et dont vous n'appreciez
le merite que lorsqu'il est victime de votre voracite. Vous etes un
Welche, un barbare! vous touchez sans respect a mes fossiles, vous
brisez indignement mes charmantes petites _columbae_ de la craie
blanche, que j'ai recueillies avec tant de soin et d'amour! Quoi! je
vous invite a voir la plus belle collection qui existe dans le pays,
une collection a laquelle ont contribue tous les savants de l'Europe,
et, non content de vouloir tout avaler comme un goinfre ignorant, vous
deteriorez mes precieux specimens! Je vais vous traiter comme vous le
meritez et vous faire sentir ce que pese le marteau d'un geologue!
Le danger que je courais dissipa a l'instant meme les fumees du
vin blanc, et, voyant que j'etais entoure de fossiles et non de
comestibles, je saisis a temps le bras du gnome et lui arrachai son
arme; mais il s'elanca sur moi et s'y attacha comme un poulpe. Cette
etreinte d'un affreux bossu me causa une telle repugnance, que je me
sentis pris de nausees et le menacai de tout briser dans son musee
d'huitres s'il ne me lachait.
Je ne sais trop alors ce qui se passa. Le gnome etait d'une force
surhumaine; je me trouvai etendu par terre, et, alors, ne me
connaissant
|