de bal et de semer leurs
petales dans mes cheveux; mais elles n'y firent pas attention et
danserent de plus belle en chantant:
--Vive la belle rose dont la douceur a vaincu le fils des orages! vive
le bon zephyr qui est reste l'ami des fleurs!
Quand je racontai a mon precepteur ce que j'avais entendu, il declara
que j'etais malade et qu'il fallait m'administrer un purgatif. Mais ma
grand'mere m'en preserva en lui disant:
--Je vous plains si vous n'avez jamais entendu ce que disent les
roses. Quant a moi, je regrette le temps ou je l'entendais. C'est une
faculte de l'enfance. Prenez garde de confondre les facultes avec les
maladies!
LE MARTEAU ROUGE
J'ai trahi pour vous, mes enfants, le secret du vent et des roses. Je
vais vous raconter maintenant l'histoire d'un caillou. Mais je vous
tromperais si je vous disais que les cailloux parlent comme les
fleurs. S'ils disent quelque chose, lorsqu'on les frappe, nous ne
pouvons l'entendre que comme un bruit sans paroles. Tout dans la
nature a une voix, mais nous ne pouvons attribuer la parole qu'aux
etres. Une fleur est un etre pourvu d'organes et qui participe
largement a la vie universelle. Les pierres ne vivent pas, elles ne
sont que les ossements d'un grand corps, qui est la planete, et, ce
grand corps, on peut le considerer comme un etre; mais les fragments
de son ossature ne sont pas plus des etres par eux-memes qu'une
phalange de nos doigts ou une portion de notre crane n'est un etre
humain.
C'etait pourtant un beau caillou, et ne croyez pas que vous eussiez
pu le mettre dans votre poche, car il mesurait peut-etre un metre sur
toutes ses faces. Detache d'une roche de cornaline, il etait cornaline
lui-meme, non pas de la couleur de ces vulgaires silex sang de boeuf
qui jonchent nos chemins, mais d'un rose chair veine de parties
ambrees, et transparent comme un cristal. Vitrification splendide,
produite par l'action des feux plutoniens sur l'ecorce siliceuse de
la terre, il avait ete separe de sa roche par une dislocation, et il
brillait au soleil, au milieu des herbes, tranquille et silencieux
depuis des siecles dont je ne sais pas le compte. La fee Hydrocharis
vint enfin un jour a le remarquer. La fee Hydrocharis (beaute des
eaux) etait amoureuse des ruisseaux clairs et tranquilles, parce
qu'elle y faisait pousser ses plantes favorites, que je ne vous
nommerai pas, vu que vous les connaissez maintenant et que vous les
cherissez aussi.
La fee ava
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