ue Mme Remy garde ses reflexions pour elle, et faites
comme Mme Remy. Donnez-moi le paquet de flanelle et de linge que j'ai
cousu cet hiver.
--Vous sortez de l'appartement, Mademoiselle?
--Oui, je monte chez cette pauvre femme; c'est au sixieme, la seconde
porte a gauche, n'est-ce pas?
--N'y allez pas, Mademoiselle! Il vous arriverait quelque malheur. Vous
ne connaissez pas cette femme; elle a des yeux comme un tigre en furie.
Au moins, Mademoiselle, prenez quelqu'un avec vous; je vais appeler
Baptiste.
--N'appelez personne, et restez; je n'ai pas besoin de vous."
Et, au grand effroi de Rose, Marie monta au grenier, sans meme se
retourner pour regarder les gestes eplores de sa femme de chambre.
Pendant que la jeune fille est en chemin, laissez-moi vous faire son
portrait; car vous avez devine que Mlle de la Guerche, c'est ma cousine
Marie.
Elle n'est pas jolie, non, et cependant j'aime a la voir. Sa taille est
lourde, sa demarche peu gracieuse, sa figure large et carree; mais elle
a de si beaux yeux, un regard si doux et si limpide, et quand elle rit
de sa grande bouche et montre ses belles dents blanches, il y a tant de
franchise et de bonte dans son sourire qu'en verite je ne connais pas de
femme que je prefere a ma cousine. Elle est pieuse, et meme devote; il
ne se passe guere de jour qu'on ne la voie a l'eglise; un sermon est
pour elle une fete, mais sa religion ne gene personne; jamais Marie ne
se fait valoir; jamais elle ne condamne les autres; elle est toujours
prete a defendre les absents, a proteger ceux qu'on attaque, a excuser
ceux qui sont tombes; je ne sais ce qu'elle entend par religion dans le
fond de l'ame, mais au dehors sa religion n'est que douceur et bonte.
Marie pense toujours aux autres et jamais a elle-meme; elle met son
plaisir dans le bonheur d'autrui. Une chretienne comme ma cousine
convertirait, par son exemple, le monde tout entier. Voila pourquoi,
malgre son peu de beaute, je n'ai jamais vu de femme plus belle que ma
cousine Marie.
III
En portant son unique matelas au mont-de-piete, Madeleine n'avait oublie
qu'une chose, c'est que, pour sortir de la maison sa derniere richesse,
il lui fallait le consentement de Mme Remy. La majestueuse portiere
avait arrete Madeleine au passage; gardienne jalouse des droits du
proprietaire, elle avait signifie a la pauvre femme qu'elle eut a
remonter son matelas. En vain Madeleine lui expliquait qu'il lui fallait
de l'argent pour
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