egale.
-- Va pour les coups de poing, repondit Tarass Boulba en
retroussant ses manches. Je vais voir quel homme tu fais a coups
de poing.
Et voila que pere et fils, au lieu de s'embrasser apres une longue
absence, commencent a se lancer de vigoureux horions dans les
cotes, le dos, la poitrine, tantot reculant, tantot attaquant.
-- Voyez un peu, bonnes gens: le vieux est devenu fou; il a tout a
fait perdu l'esprit, disait la pauvre mere, pale et maigre,
arretee sur le perron, sans avoir encore eu le temps d'embrasser
ses fils bien-aimes. Les enfants sont revenus a la maison, plus
d'un an s'est passe depuis qu'on ne les a vus; et lui, voila qu'il
invente, Dieu sait quelle sottise... se rosser a coups de poing!
-- Mais il se bat fort bien, disait Boulba s'arretant. Oui, par
Dieu! tres bien, ajouta-t-il en rajustant ses habits; si bien que
j'eusse mieux fait de ne pas l'essayer. Ca fera un bon Cosaque.
Bonjour, fils; embrassons-nous.
Et le pere et le fils s'embrasserent.
-- Bien, fils. Rosse tout le monde comme tu m'as rosse; ne fais
quartier a personne. Ce qui n'empeche pas que tu ne sois drolement
fagote. Qu'est-ce que cette corde qui pend? Et toi, nigaud, que
fais-tu la, les bras ballants? dit-il en s'adressant au cadet.
Pourquoi, fils de chien, ne me rosses-tu pas aussi?
-- Voyez un peu ce qu'il invente, disait la mere en embrassant le
plus jeune de ses fils. On a donc de ces inventions-la, qu'un
enfant rosse son propre pere! Et c'est bien le moment d'y songer!
Un pauvre enfant qui a fait une si longue route, qui s'est si
fatigue (le pauvre enfant avait plus de vingt ans et une taille de
six pieds), il aurait besoin de se reposer et de manger un
morceau; et lui, voila qu'il le force a se battre.
-- Eh! eh! mais tu es un freluquet a ce qu'il me semble, disait
Boulba. Fils, n'ecoute pas ta mere; c'est une femme, elle ne sait
rien. Qu'avez-vous besoin, vous autres, d'etre dorlotes? Vos
dorloteries, a vous, c'est une belle plaine, c'est un bon cheval;
voila vos dorloteries. Et voyez-vous ce sabre? voila votre mere.
Tout le fatras qu'on vous met en tete, ce sont des betises. Et les
academies, et tous vos livres, et les ABC, et les philosophies, et
tout cela, je crache dessus.
Ici Boulba ajouta un mot qui ne peut passer a l'imprimerie.
-- Ce qui vaut mieux, reprit-il, c'est que, la semaine prochaine,
je vous enverrai au _zaporojie_. C'est la que se trouve la
science; c'est la qu'est votre ecole, et q
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