ecrit des vers latins? Je ne suis pas
trop savant; j'ai oublie son nom. Ne s'appelait-il pas Horace?
-- Voyez-vous le sournois, se dit tout bas le fils aine, Ostap;
c'est qu'il sait tout, le vieux chien, et il fait mine de ne rien
savoir.
-- Je crois bien que l'archimandrite ne vous a pas meme donne a
flairer de l'eau-de-vie, continuait Boulba. Convenez, mes fils,
qu'on vous a vertement etrilles, avec des balais de bouleau, le
dos, les reins, et tout ce qui constitue un Cosaque. Ou bien peut-
etre, parce que vous etiez devenus grands garcons et sages, vous
rossait-on a coups de fouet, non les samedis seulement, mais
encore les mercredis et les jeudis.
-- Il n'y a rien a se rappeler de ce qui s'est fait, pere,
repondit Ostap; ce qui est passe est passe.
-- Qu'on essaye maintenant! dit Andry; que quelqu'un s'avise de me
toucher du bout du doigt! que quelque Tatar s'imagine de me tomber
sous la main! il saura ce que c'est qu'un sabre cosaque.
-- Bien, mon fils, bien! par Dieu, c'est bien parle. Puisque c'est
comme ca, par Dieu, je vais avec vous. Que diable ai-je a attendre
ici? Que je devienne un planteur de ble noir, un homme de menage,
un gardeur de brebis et de cochons? que je me dorlote avec ma
femme? Non, que le diable l'emporte! je suis un Cosaque, je ne
veux pas. Qu'est-ce que cela me fait qu'il n'y ait pas de guerre!
j'irai prendre du bon temps avec vous. Oui, par Dieu, j'y vais.
Et le vieux Boulba, s'echauffant peu a peu, finit par se facher
tout rouge, se leva de table, et frappa du pied en prenant une
attitude imperieuse.
-- Nous partons demain. Pourquoi remettre? Qui diable attendons-
nous ici? A quoi bon cette maison? a quoi bon ces pots? a quoi bon
tout cela?
En parlant ainsi, il se mit a briser les plats et les bouteilles.
La pauvre femme, des longtemps habituee a de pareilles actions,
regardait tristement faire son mari, assise sur un banc. Elle
n'osait rien dire; mais en apprenant une resolution aussi penible
a son coeur, elle ne put retenir ses larmes. Elle jeta un regard
furtif sur ses enfants qu'elle allait si brusquement perdre, et
rien n'aurait pu peindre la souffrance qui agitait convulsivement
ses yeux humides et ses levres serrees.
Boulba etait furieusement obstine. C'etait un de ces caracteres
qui ne pouvaient se developper qu'au XVIe siecle, dans un coin
sauvage de l'Europe, quand toute la Russie meridionale, abandonnee
de ses princes, fut ravagee par les incursions irresis
|