tomberais a ses pieds, si elle me
regardait encore. Quand elle me rendit la tasse vide, je la recus
machinalement et ne songeai point a m'eloigner. J'etais comme noye dans
les parfums de sa robe et de ses cheveux. J'examinais plutot stupidement
que sournoisement les dentelles de ses manchettes, le fin tissu de son
bas de soie, la broderie de sa veste de cachemire, les perles de son
bracelet, comme si je n'eusse jamais vu de femme elegante, et comme si
j'eusse voulu m'instruire des lois du gout. Une timidite qui etait
presque de la frayeur m'empechait de penser a autre chose qu'a ce
vetement dont emanait un fluide embrase qui m'empechait de respirer et
de parler. Obernay et Paule parlaient pour quatre. Que de choses ils
avaient donc a se dire! Je crois qu'ils se communiquaient des idees
excellentes dans un langage meilleur encore; mais je n'entendis rien.
J'ai constate plus tard que mademoiselle de Valvedre avait une belle
intelligence, beaucoup d'instruction, un jugement sain, eleve, et meme
un grand charme dans l'esprit; mais, en ce moment ou, recueilli en
moi-meme, je ne songeais qu'a contenir les battements de mon coeur,
combien je m'etonnais de la liberte morale de ces heureux fiances qui
s'exprimaient si facilement et si abondamment leurs pensees! Ils avaient
deja l'amour communicatif, l'amour conjugal: pour moi, je sentais que le
desir est farouche et la passion muette.
Alida avait-elle de l'esprit naturel? Je ne l'ai jamais su, bien que je
l'aie entendue dire des choses frappantes et parler quelquefois avec
l'eloquence de l'emotion; mais, d'habitude, elle se taisait, et, ce
soir-la, soit qu'elle voulut ne rien reveler de son ame, soit qu'elle
fut brisee de fatigue ou fortement preoccupee, elle ne prononca qu'avec
effort quelques mots insignifiants. Je me trouvais et je restais assis
beaucoup trop pres d'elle; j'aurais pu et j'aurais du etre a distance
plus respectueuse. Je le sentais et je me sentais aussi cloue a ma
place. Elle en souriait sans doute interieurement mais elle ne
paraissait pas y prendre garde, et les deux fiances etaient trop occupes
l'un de l'autre pour s'en apercevoir. Je serais reste la toute la nuit
sans faire un mouvement, sans avoir une idee nette, tant je me trouvais
mal et bien a la fois. Je vis Obernay serrer fraternellement la main de
Paule en lui disant qu'elle devait avoir besoin de dormir. Je me
retrouvai dans ma chambre sans savoir comment j'avais pu prendre conge
et quitter mon s
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