nd merite, chargee de l'education
premiere des enfants et de la gouverne de la maison, soins auxquels
Alida elle-meme se declarait impropre. Paule avait ete elevee par sa
soeur ainee. Toutes trois vivaient donc a leur guise: Paule soumise par
gout et par devoir a sa soeur Juste, Alida completement independante de
l'une et de l'autre.
Quant aux aventures qu'on lui pretait, Obernay n'y croyait reellement
pas; du moins aucune liaison exclusive n'avait pris une place ostensible
dans sa vie depuis qu'il la connaissait.
--Je la crois coquette, disait-il, mais _par genre_ ou par
desoeuvrement. Je ne la juge ni assez active ni assez energique pour
avoir des passions ou seulement des fantaisies un peu vives. Elle aime
les hommages, elle s'ennuie quand elle en manque, et peut-etre en
manque-t-elle un peu a la campagne. Elle en manque aussi chez nous a
Geneve, ou elle nous fait l'honneur d'accepter de temps en temps
l'hospitalite. Notre entourage est un peu serieux pour elle; mais ne
voila-t-il pas un grand malheur qu'une femme de trente ans soit forcee,
par les convenances, de vivre d'une maniere raisonnable? Je sais que,
pour lui complaire, son mari l'a menee beaucoup dans le monde autrefois;
mais il y a temps pour tout. Un savant se doit a la science, une mere de
famille a ses enfants. A te dire le vrai, j'ai mediocre opinion d'une
cervelle de femme qui s'ennuie au sein de ses devoirs.
--Il parait cependant qu'elle y est soumise, puisque, libre de se lancer
dans le tourbillon, elle vit dans la retraite.
--Il faudrait qu'elle s'y lancat toute seule, et ce n'est pas bien aise,
a moins d'une certaine vitalite audacieuse qu'elle n'a pas. A mon avis,
elle ferait mieux d'en avoir le courage, puisqu'elle en a l'aspiration,
et mieux vaudrait pour Valvedre avoir une femme tout a fait legere et
dissipee, qui le laisserait parfaitement libre et tranquille, qu'une
elegie en jupons qui ne sait prendre aucun parti, et dont l'attitude
brisee semble etre une protestation contre le bon sens, un reproche a la
vie rationnelle.
--Tout cela est bien aise a dire, pensai-je; peut-etre cette femme
soupire-t-elle apres autre chose que les plaisirs frivoles; peut-etre
a-t-elle grand besoin d'aimer, surtout si son mari lui a fait connaitre
l'amour avant de la delaisser pour la physique et la chimie. Telle femme
commence reellement la vie a trente ans, et la societe de deux marmots
et de deux belles-soeurs infiniment vertueuses ne me parait pas
|