ntrainaient pour la
resistance. Les gros n'allaient plus par les rues qu'au pas
gymnastique pour fondre leur graisse et prolonger leur
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haleine, les faibles portaient des fardeaux pour fortifier
leurs muscles.
Et on attendait les Prussiens. Mais les Prussiens ne
paraissaient pas. Ils n'etaient pas loin, cependant; car
[5]deux fois deja leurs eclaireurs avaient pousse a travers
bois jusqu'a la maison forestiere de Nicolas Pichon,
dit l'Echasse.
Le vieux garde, qui courait comme un renard, etait venu
prevenir la ville. On avait pointe les canons, mais
[10]l'ennemi ne s'etait point montre.
Le logis de l'Echasse servait de poste avance dans la
foret d'Aveline. L'homme, deux fois par semaine, allait
aux provisions et apportait aux bourgeois citadins des
nouvelles de la campagne.
[15]Il etait parti ce jour-la pour annoncer qu'un petit
detachement d'infanterie allemande s'etait arrete chez lui
l'avant-veille, vers deux heures de l'apres-midi, puis etait
reparti presque aussitot. Le sous-officier qui commandait
parlait francais.
[20]Quand il s'en allait ainsi, le vieux, il emmenait ses deux
chiens, deux molosses a gueule de lion, par crainte des
loups qui commencaient a devenir feroces, et il laissait
ses deux femmes en leur recommandant de se barricader
dans la maison des que la nuit approcherait.
[25]La jeune n'avait peur de rien, mais la vieille tremblait
toujours et repetait:
--Ca finira mal, tout ca, vous verrez que ca finira mal.
Ce soir-la, elle etait encore plus inquiete que de coutume:
--Sais-tu a quelle heure rentrera le pere? dit-elle.
[30]--Oh! pas avant onze heures, pour sur. Quand il dine
chez le commandant, il rentre toujours tard.
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Et elle accrochait sa marmite sur le feu pour faire la
soupe, quand elle cessa de remuer, ecoutant un bruit vague
qui lui etait venu par le tuyau de la cheminee.
Elle murmura:
[5]--V'la qu'on marche dans le bois, il y a ben sept-huit
hommes, au moins.
La mere, effaree, arreta son rouet en balbutiant:
--Oh! mon Dieu! et le pere qu'est pas la!
Elle n'avait point fini de parler que des coups violents
[10]firent trembler la porte.
Comme les femmes ne repondaient point, une voix forte
et gutturale cria:
--Oufrez!
Puis, apres un silence, la meme voix reprit:
[15]--Oufrez ou che gasse la borte!
Alors Berthine glissa dans la poche de sa jupe le gros
revolver de la cheminee, puis, etant venue coller son
oreille contr
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