palissait d'emotion et
sonnait sa bonne pour avoir on uniforme et ses armes;
[5]Elle entendait, lui semblait-il, le tambour courant par les
rues. Les tetes effarees apparaissaient aux fenetres. Les
soldats citoyens sortaient de leurs maisons, a peine vetus,
essouffles, bouclant leurs ceinturons, et partaient, au pas
gymnastique, vers la maison du commandant.
[10]Puis la troupe, l'Echasse en tete, se mettait en marche,
dans la nuit, dans la neige, vers la foret.
Elle regardait l'horloge. "Ils peuvent etre ici dans une
heure."
Une impatience nerveuse l'envahissait. Les minutes
[15]lui paraissaient interminables. Comme c'etait long!
Enfin, le temps qu'elle avait fixe pour leur arrivee fut
marque par l'aiguille.
Et elle ouvrit de nouveau la porte, pour les ecouter
venir. Elle apercut une ombre marchant avec
[20]precaution. Elle eut peur, poussa un cri. C'etait son
pere.
Il dit:
--Ils m'envoient pour voir s'il n'y a rien de change.
--Non, rien.
[25]Alors, il lanca a son tour, dans la nuit, un coup de sifflet
strident et prolonge. Et, bientot, on vit une chose brune
qui s'en venait, sous les arbres, lentement: l'avant-garde
composee de dix hommes.
L'Echasse repetait a tout instant:
[30]--Passez pas devant le soupirail.
Et les premiers arrives montraient aux nouveaux venus
le soupirail redoute.
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Enfin le gros de la troupe se montra, en tout deux cents
hommes, portant chacun deux cents cartouches.
M. Lavigne, agite, fremissant, les disposa de facon a cerner
de partout la maison en laissant un large espace libre
[5]devant le petit trou noir, au ras du sol, par ou la cave
prenait de l'air.
Puis il entra dans l'habitation et s'informa de la force
et de l'attitude de l'ennemi, devenu tellement muet qu'on
aurait pu le croire disparu, evanoui, envole par le soupirail.
[10]M. Lavigne frappa du pied la trappe et appela:
--Monsieur l'officier prussien?
L'Allemand ne repondit pas.
Le commandant reprit:
--Monsieur l'officier prussien?
[15]Ce fut en vain. Pendant vingt minutes il somma cet
officier silencieux de se rendre avec armes et bagages, en
lui promettant la vie sauve et les honneurs militaires pour
lui et ses soldats. Mais il n'obtint aucun signe de consentement
ou d'hostilite. La situation devenait difficile.
[20]Les soldats-citoyens battaient la semelle dans la neige,
se frappaient les epaules a grands coups de bras, comme
font les cochers pour s'echauffer, et i
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