e physique. Quelquefois, il lui semblait surprendre
dans les yeux de la folle une aube d'intelligence. Il voulait croire a
la guerison.
Il attachait parfois des regards timides sur Jeanne, et se disait alors:
"Lorsqu'elle comprendra, comment lui expliquerai-je mon mariage? Est-ce
que je n'aurais pas du demeurer fidele, meme la croyant infidele?"
Et un trouble l'envahissait a la voir si belle, a peine changee, presque
aussi ideale qu'au temps ou il l'attendait dans le bois de Margency.
Quant a Loise, a part la douleur de ne pouvoir tout de suite associer sa
mere a sa felicite, elle etait en plein ravissement. Elle aussi etait
convaincue qu'un mois de soins attentifs rendrait la raison a la
martyre. Et elle s'abandonnait a cette joie inconnue d'elle jusqu'ici
d'avoir une famille, un nom, un pere. Ce pere lui semblait un homme
exceptionnel par la force, la gravite sereine. C'etait de plus l'un des
puissants du royaume.
Cette journee fut donc une journee de bonheur veritable malgre la folie
de Jeanne.
Mais n'etait-elle pas la, vivante? Et meme, lorsqu'ils la consideraient
tous les deux, le pere et la fille ne remarquaient-ils pas qu'un heureux
changement se manifestait dans sa sante? Ses yeux reprenaient leur
brillant, ses joues redevenaient roses; jamais Loise ne l'avait vue ni
aussi belle ni aussi gaie. Le rire de la folle eclatait non pas strident
et nerveux, mais doux et plein d'innocent bonheur.
En ce jour, le marechal lia pleine connaissance avec le vieux
Pardaillan. Leurs mains se serrerent dans une etreinte loyale et le
souvenir de l'enlevement de Loise s'eteignit.
La nuit qui suivit fut egalement tres calme.
Cependant, vers le commencement de cette nuit, un incident se produisit
dans la rue. Le marechal de Damville vint visiter le poste qui veillait
devant la maison. Il etait accompagne de quarante gardes du roi qui
releverent les gardes d'Anjou. Un officier de la maison royale les
commandait et le capitaine qui avait accepte la caution de Jeanne de
Piennes dut se retirer.
Damville passa la nuit dans la rue, et vers l'aube, un mouvement se
produisit parmi les soldats.
Vingt d'entre eux chargerent leurs arquebuses et se tinrent prets a
faire feu.
On se preparait evidemment a enfoncer la porte.
La caution de Jeanne de Piennes etait donc tenue pour nulle et non
avenue? C'est la la reflexion que se fit le vieux Pardaillan lorsque,
ayant mis le nez a la lucarne, il vit ces preparatifs. Il ap
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