votre reine.
--Je le jure!...
--Vous m'avez egalement jure de tenir secretes toutes nos entrevues...
--Je le jure encore!...
La reine parut alors s'apaiser et s'abandonner a cette melancolie qui
donnait un charme severe a son visage, quand elle voulait.
"Quoi! songeait-il. D'ou me vient donc tant de joie? Ai-je donc
reellement doute d'Alice? Jamais! Jamais!"
Apres quelques instants, pendant lesquels Catherine calcula la confiance
qu'elle avait pu acquerir dans le coeur de Marillac, elle reprit:
"Maintenant, puisque j'ai promis de vous dire toute la verite, il faut
que vous sachiez pourquoi la reine de Navarre a hesite, pourquoi vous
avez pu concevoir des doutes sur Alice de Lux... Il y a en effet
un mystere sur cette pauvre petite... Elle craignait que la verite
n'eclatat un jour a vos yeux; cette verite est terrible en soi, bien que
la pauvre enfant n'en soit en aucune facon responsable...
--Parlez, madame, supplia le comte...
--Eh bien, Alice est une fille sans nom, sans famille. Adoptee par les
de Lux, elle ne peut en realite se reclamer de sa naissance; voila la
verite, comte!
Cette etrange accusation proferee devant Deodat--l'enfant trouve
lui-meme--etait une de ces audaces comme les concevait le sombre cerveau
de Catherine. N'etre pas "nee" etait alors pour une fille un terrible
malheur.
Le comte, radieux, s'ecria:
--Je cours me jeter aux pieds d'Alice... Puisse-t-elle me pardonner
d'avoir ose la soupconner!
--Ainsi, comte, vous passez outre?...
--Ah! madame, murmura Marillac d'une voix basse et ardente, comment cela
pourrait-il m'arreter, alors que moi-meme...
Il se tut subitement, en voyant le nuage de tristesse qui couvrait
soudain le front de la reine, et, se courbant devant elle, ajouta:
--Madame, je vous benis pour la joie immense que vous venez de me
donner... c'est a vous que je dois la vie...
--Eh bien, comte, eh bien, puisque vous voulez que je fasse ce mariage,
croyez-moi, faites-le sans eclat.
--Peu importe, madame, comment se fera cette union, pourvu qu'elle se
fasse!
--Me laissez-vous libre d'arranger la chose? demanda la reine avec un
charmant sourire.
--Ah! madame, vous m'enivrez! s'ecria le comte dans l'exaltation de sa
double joie de fils et d'amant.
--Eh bien, je veux choisir l'eglise, l'heure, le jour... Voyons, vous
n'etes pas assez huguenot pour me refuser cette joie?...
--Madame, je ferai ce que vous voudrez... peu importe le pretre...
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