Marquis, reprit la reine, convenons d'une chose, C'est qu'en ce moment
je ne suis pas la reine, mais seulement une amie... une veritable et
sincere amie... Mais comme vous avez donc change, mon pauvre Pani!
Est-ce bien vous que je revois si pale, si amaigri, presque decharne?...
Peut-etre y a-t-il des remedes au mal qui vous ronge...
Tandis que Catherine s'exprimait ainsi avec une sorte d'enjouement, le
moine avait accentue la raideur de son maintien.
Il avait a demi ramene son capuchon, qui retombait presque sur les yeux.
En sorte qu'on ne voyait plus rien de lui que le bas de son visage
emacie, une bouche sans sourire.
--Madame, dit-il d'une voix grave, vous me demandez de la franchise.
En voici. Lorsque je suis arrive a la cour de France, vous vous etes
figuree que j'etais un emissaire des republiques italiennes et que je
venais conspirer avec le marechal de Montmorency. Vous avez suppose
que j'etais porteur de redoutables secrets. Alors, pour m'arracher ces
secrets, vous avez lance sur moi une de vos espionnes. Cette femme n'a
pas tarde a se convaincre que je ne songeais guere a conspirer. Des
lors, vous futes rassuree, et Votre Majeste daigna meme, alors, me faire
des offres que je fus oblige de decliner. Vous me proposiez en effet
de devenir un homme de parti, alors que jeune, debordant de vie et
de passion, je ne songeais qu'a aimer la vie dans toutes ses
manifestations. Malgre mon refus, Votre Majeste voulut bien m'honorer en
effet de son amitie... peut-etre esperiez-vous qu'un jour viendrait ou,
quelque grande catastrophe ayant fait devier ma vie, je serais entre
vos mains un instrument de politique plus complaisant... Daigne Votre
Majeste ne pas s'offenser de la violence de ma franchise...
--Mais je ne me fache pas, mio caro, dit Catherine en accentuant son
sourire. Je me demande seulement comment vous avez su que j'avais
soupconne en vous un espion des princes italiens?
--De la facon la plus naturelle, madame: la femme que vous aviez lancee
sur moi est tombee malade.
--Des suites de ses couches, je le sais... car vous etes pere, mon cher
marquis.
Un effrayant sanglot rala dans la gorge du moine.
--C'est vrai, continua-t-il. Cette femme devint mere... Une nuit,
elle m'avait vole mes papiers pour vous les remettre. C'est ainsi que
j'appris qu'elle etait une de vos creatures... Lorsqu'elle devint mere
et qu'elle fut malade, dans son delire, elle m'instruisit de ce que vous
aviez medite contre
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