lot!"
--Ce soir donc, il vous a suivi, il vous a vu escalader le mur de mon
enclos, et, tandis que vous forciez l'office, il est entre par la
grande porte et m'a prevenu de votre visite. J'etais sur le point de
me coucher. Mais, pour avoir le plaisir de vous voir, j'ai resolu de
veiller. Bien m'en a pris, puisque vous voila.
--Oui, me voila, dit Pardaillan. Mais, monseigneur, puisque vous poussez
la condescendance a ce point, vous me permettrez bien de vous poser une
petite question, une seule?
--Comment donc! Dix questions, question ordinaire et question
extraordinaire, vous avez droit a toutes les questions!
Cette fois, le vieux routier ne put s'empecher de palir!
Est-ce qu'il allait etre livre au bourreau?
Est-ce qu'on allait lui appliquer la question, c'est-a-dire la
torture!...
Pourtant, il fit bonne contenance et reprit:
--Je vous demanderai donc, monseigneur, si vous etes seul.
--Monsieur Pardaillan, vous pouvez tout me dire, et decharger votre
coeur. Quant a etre seul, il n'y aura ja mais trop de braves officiers
autour de moi pour faire honneur a un homme tel que vous. Et d'ailleurs,
voyez!
A ces mots, le marechal se leva. Trois portes s'ouvraient sur le salon:
l'une par laquelle Pardaillan etait entre; la deuxieme qui donnait sur
la chambre a coucher; la troisieme qui ouvrait sur un cabinet d'armes.
Damville ouvrit la premiere, et Pardaillan apercut douze gardes sur deux
rangs, armes de hallebardes.
Le vieux routier hocha la tete, et Damville referma.
Puis il ouvrit la deuxieme porte, et une quinzaine de gentilshommes
apparurent a Pardaillan: ils avaient tous l'epee a la main.
--Bonsoir, messieurs! dit le vieux routier en saluant.
Cette deuxieme vision disparut aussitot, le marechal ayant referme la
porte. Il alla alors ouvrir la troisieme, et, cette fois, ce furent six
arquebusiers, prets a faire feu, qui apparurent; derriere eux, Orthes,
pret a donner le signal d'une decharge.
"Je suis pris!" se dit Pardaillan.
--Causons maintenant, dit le marechal en froncant les sourcils. Mon cher
monsieur, vous veniez pour m'assassiner.
--Non pas, monseigneur, je venais pour vous tuer, il est vrai, mais pour
vous tuer en un combat loyal. Je comptais vous trouver seul. J'avais
meme prevu le cas ou je vous eusse trouve endormi. Alors, je vous eusse
reveille, je vous eusse prie de vous habiller, et je vous eusse dit
ceci: "Monseigneur, vous genez terriblement quelques braves gens qui
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