comte, a ces mots, eut encore un de ces mouvements impulsifs comme
Catherine en avait provoque deux ou trois depuis le debut de cet
entretien. Mais, cette fois encore, elle s'arreta, en se reprenant pour
ainsi dire a l'instant precis ou elle paraissait vouloir s'abandonner a
l'emotion.
--Je vous ai surveille, reprit-elle avec un sourire. J'ai d'abord voulu
voir de pres, et Dieu sait ce qu'il m'en a coute pour demeurer si froide
devant vous, alors que...
--Achevez, madame, je vous en supplie!
--Rien, fit la reine sourdement. L'heure n'est pas venue, et vous avez
jure de ne pas m'arracher mon secret.
Le comte joignit les mains et s'inclina comme devant une sainte.
--Apres notre premiere entrevue, continua la reine, je ne tardai pas a
connaitre votre amour pour Alice de Lux. Un soir, comte, vous vous etes
arrete pres de mon nouvel hotel, au pied meme de la tour. La reine
de Navarre vous accompagnait. Elle entra chez Alice. Et vous, vous
attendites... Alors, je voulus savoir ce qui vous tourmentait... Je
connaissais Alice... je l'avais quelque peu malmenee jadis parce qu'elle
abandonnait notre religion... J'eus tort, je l'avoue; on devrait
toujours respecter la croyance des autres... Le lendemain matin, je la
vis donc... et je sus ce qu'il s'etait passe entre elle et la bonne
reine Jeanne...
--C'est ce jour-la, madame, interrompit le comte fremissant, qu'eut lieu
notre deuxieme entrevue... c'est ce jour-la que vous me fites venir...
que vous voulutes bien me donner ce coffret d'or en signe de votre
affection... royale... c'est ce jour-la enfin que vous me fites une
promesse...
--Oui: celle de vous dire au juste ce qu'est Alice de Lux!... Cette
promesse je vais la tenir... Mais, reprit Catherine, la reine de Navarre
ne vous a donc rien dit depuis ce jour?
--Rien, madame, rien!... En quittant la maison d'Alice de Lux, elle me
dit... et toute ma vie j'aurai ces paroles gravees dans ma memoire: "Mon
enfant, j'ai longuement interroge votre fiancee. Dans mon ame, voici ce
que je pense: je verrai avec effroi que cette demoiselle devienne la
femme d'un homme que j'aime comme un fils... mais l'amour peut faire des
miracles... et je crois vraiment que l'amour d'Alice pour vous est de
ceux qui font des miracles... Devant cet amour si grand, je vous dis,
mon enfant: suivez votre destinee".
Le comte garda alors un sombre silence, comme s'il eut encore repete en
lui-meme ces paroles. Puis il reprit:
--Depuis, la r
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