ouvez vous en assurer.
Catherine, sans hesitation, aspira le parfum d'ambre qui se degageait
legerement de l'interieur du coffret.
--Il n'y a aucun danger a respirer ce parfum, reprit le chimiste.
Seulement, si vous touchiez ce cuir, si vous laissiez votre main dans ce
coffret pendant un temps suffisant, soit une heure environ, les essences
dont il est imbibe se communiqueraient a votre sang par les pores de la
peau, et dans une vingtaine de jours vous seriez prise d'une fievre qui
vous emporterait en trois ou quatre jours.
--Tres bien. Mais quelle vraisemblance y a-t-il que je laisserais ma
main dans ce coffret pendant au moins une heure?
--A defaut de votre main allant trouver le cuir de Cordoue, le cuir
ne peut-il pas lui-meme venir trouver votre main?... Je vous offre ce
coffret... Vous lui donnez une destination quelconque... Il vous servira
a renfermer l'echarpe que vous mettez a votre cou, les gants qui vont
s'adapter a votre main. L'echarpe, les gants sejournent dans le coffret,
leur vertu est des lors aussi efficace que la vertu meme de ce cuir.
--Voila un vrai chef-d'oeuvre, murmura la reine.
Ruggieri se redressa. Son orgueil de chimiste trouvait dans ce mot la
recompense de son patient labeur.
--Oui, dit-il, c'est la mon chef-d'oeuvre. J'ai mis des annees a
combiner les elements subtils capables de s'adapter a la peau comme a la
tunique de Nessus; j'ai veille des nuits et des nuits, j'ai failli cent
fois m'empoisonner moi-meme pour trouver cette essence qui se communique
par le toucher, et non par l'odorat ou par le palais. Dans ce coffret
redoutable, j'ai enferme la mort que j'ai ainsi reduite a l'etat de
servante docile, muette, invisible, meconnaissable. Prenez-le, ma reine.
Il est a vous.
--Je le prends! dit Catherine.
En effet, elle referma soigneusement le coffret et s'en empara. Elle le
garda un instant dans ses deux mains levees a hauteur de ses yeux, et
murmura:
--Dieu le veut!
IV
ORDRE DU ROI
Le lendemain du jour ou Francois de Montmorency retrouva sa fille et
celle qui avait ete sa femme, fut une journee paisible pour tous les
habitants de la maison de la rue Montmartre.
Le marechal sentait son coeur se dilater. Il etait en extase devant
sa fille et n'imaginait pas qu'il put exister au monde rien d'aussi
gracieux. Quant a Jeanne, la conviction se fortifiait en lui qu'elle
subissait une crise passagere et que le bonheur lui rendrait a la fois
la raison et la sant
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