nt par son habit en
lui disant d'un ton imperatif, presque dur meme:
-- Assis, Roland!
Et le jeune homme s'etait assis.
Mais celui de tous les convives qui etait demeure, en apparence du
moins, le plus impassible pendant toute la scene qui venait de
s'accomplir, etait un homme de trente-trois a trente-quatre ans,
blond de cheveux, roux de barbe, calme et beau de visage, avec de
grands yeux bleus, un teint clair, des levres intelligentes et
fines, une taille elevee, et un accent etranger qui indiquait un
homme ne au sein de cette ile dont le gouvernement nous faisait, a
cette heure, une si rude guerre; autant qu'on pouvait en juger par
les rares paroles qui lui etaient echappees, il parlait, malgre
l'accent que nous avons signale, la langue francaise avec une rare
purete. Au premier mot qu'il avait prononce et dans lequel il
avait reconnu cet accent d'outre-Manche, le plus age des deux
voyageurs avait tressailli, et, se retournant du cote de son
compagnon, habitue a lire la pensee dans son regard, il avait
semble lui demander comment un Anglais se trouvait en France au
moment ou la guerre acharnee que se faisaient les deux nations
exilait naturellement les Anglais de la France, comme les Francais
de l'Angleterre. Sans doute, l'explication avait paru impossible a
Roland, car celui-ci avait repondu d'un mouvement des yeux et d'un
geste des epaules qui signifiaient: "Cela me parait tout aussi
extraordinaire qu'a vous; mais, si vous ne trouvez pas
l'explication d'un pareil probleme, vous, le mathematicien par
excellence, ne me la demandez pas a moi."
Ce qui etait reste de plus clair dans tout cela, dans l'esprit des
deux jeunes gens, c'est que l'homme blond, a l'accent anglo-saxon,
etait le voyageur dont la caleche confortable attendait tout
attelee a la porte de l'hotel, et que ce voyageur etait de Londres
ou, tout au moins, de quelqu'un des comtes ou duches de la Grande-
Bretagne.
Quant aux paroles qu'il avait prononcees, nous avons dit qu'elles
etaient rares, si rares qu'en realite c'etaient plutot des
exclamations que des paroles; seulement, a chaque explication qui
avait ete demandee sur l'etat de la France, l'Anglais avait
ostensiblement tire un calepin de sa poche, et, en priant soit le
marchand de vin, soit l'abbe, soit le jeune noble, de repeter
l'explication -- ce que chacun avait fait avec une complaisance
pareille a la courtoisie qui presidait a la demande -- il avait
pris en note ce qui avait ete d
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