emiers a le voir,
quand il quitta cette retraite sombre du vieux serail ou l'on tient en
Turquie les pretendants au trone; de grands caiques de gala etaient
venus l'y chercher, et mon caique touchait le sien.
Ces quelques jours de puissance ont deja vieilli le sultan; il avait
alors une expression de jeunesse et d'energie qu'il a perdue depuis.
L'extreme simplicite de sa mise contrastait avec le luxe oriental dont
on venait de l'entourer. Cet homme, que l'on tirait d'une obscurite
relative pour le conduire au supreme pouvoir, semblait plonge dans une
inquiete reverie; il etait maigre, pale et tristement preoccupe, avec de
grands yeux noirs cernes de bistre; sa physionomie etait intelligente et
distinguee.
Les caiques du sultan sont conduits chacun par vingt-six rameurs. Leurs
formes ont l'elegance originale de l'Orient; ils sont d'une grande
magnificence, entierement ciseles et dores, et portent a l'avant un
eperon d'or. La livree des laquais de la cour est verte et orange,
couverte de dorures. Le trone du sultan, orne de plusieurs soleils, est
place sous un dais rouge et or.
XIII
Aujourd'hui, 7 septembre, a lieu la grande representation du sacre d'un
sultan.
Abd-ul-Hamid, a ce qu'il semble, est presse de s'entourer du prestige
des Khalifes; il se pourrait que son avenement ouvrit a l'islam une ere
nouvelle, et qu'il apportat a la Turquie un peu de gloire encore et un
dernier eclat.
Dans la mosquee sainte d'Eyoub, Abd-ul-Hamid est alle ceindre en grande
pompe le sabre d'Othman.
Apres quoi, suivi d'un long et magnifique cortege, le sultan a traverse
Stamboul dans toute sa longueur pour se rendre au palais du vieux
serail, faisant une pause et disant une priere, comme il est d'usage,
dans les mosquees et les kiosques funeraires qui se trouvaient sur son
chemin.
Des hallebardiers ouvraient la marche, coiffes de plumets verts de deux
metres de haut, vetus d'habits ecarlates tout chamarres d'or.
Abd-ul-Hamid s'avancait au milieu d'eux, monte sur un cheval blanc
monumental, a l'allure lente et majestueuse, caparaconne d'or et de
pierreries.
Le cheik-ul-islam en manteau vert, les emirs en turban de cachemire, le
sulema en turban blanc a bandelettes d'or, les grands pachas, les grands
dignitaires, suivaient sur des chevaux etincelants de dorures,--grave
et interminable cortege ou defilaient de singulieres physionomies! De
sulemas octogenaires soutenus par des laquais sur leurs montures
tranquill
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