attendant l'issue de cette facheuse affaire,
Orio resolut d'etablir, autant que possible, des relations avec Naam. Il
demanda a voir plusieurs de ses amis, cette permission lui fut refusee;
alors il se dit malade et demanda son medecin. Peu d'heures apres,
Barbolamo fut introduit aupres de lui.
Le fin docteur affecta une grande surprise de trouver son opulent et
voluptueux client sur le grabat de la prison. Orio lui expliqua sa
mesaventure en lui faisant le meme recit qu'il avait fait aux executeurs
de son arrestation; Barbolamo parut y croire et offrit avec grace ses
services desinteresses a Orio. Ce qu'Orio voulait par-dessus tout, c'est
que le docteur lui procurat de l'argent; car, une fois muni de ce magique
talisman, il esperait corrompre ses geoliers, sinon jusqu'a reussir a
s'evader, du moins jusqu'a communiquer avec Naam, qui lui paraissait
desormais la clef de voute par laquelle son edifice devait se soutenir ou
s'ecrouler. Le docteur mit, avec une courtoisie sans egale, sa bourse, qui
etait assez bien garnie, au service d'Orio; mais ce fut en vain que
celui-ci essaya de corrompre ses gardiens, il ne lui fut pas possible de
voir Naam. Plusieurs jours se passerent pour Orio dans la plus grande
anxiete, et sans aucune communication avec ses juges. Tout ce qu'il put
obtenir, ce fut de faire passer a Naam des aliments choisis et des
vetements. Le docteur s'y employa avec grace et vint lui donner des
nouvelles de sa triste compagne. Il lui dit qu'il l'avait trouvee calme
comme a l'ordinaire, malade, mais ne se plaignant pas, et ne paraissant
pas seulement s'apercevoir qu'elle eut la fievre, refusant tout
adoucissement a sa captivite et tout moyen de justification aupres de ses
juges: elle semblait, sinon desirer la mort, du moins l'attendre avec une
stoique indifference.
Ces details donnerent un peu de calme a Soranzo, et ses esperances se
ranimerent. Le docteur fut vivement frappe du changement que ces revers
inattendus avaient opere en lui. Ce n'etait plus le reveur atrabilaire
qu'assiegeaient des visions funestes, et qui se plaignait sans cesse de la
longueur et de la pesanteur de la vie. C'etait un joueur acharne qui, au
moment de perdre la partie, a defaut d'habilete, s'armait d'attention et
de resolution. Il etait facile de voir que le joueur n'avait plus que de
miserables ressources, et que son obstination ne suppleait a rien. Mais il
semblait que cet enjeu, si meprise jusque-la, eut pris une valeur
excess
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