e depuis sa rencontre avec l'Uscoque a la pointe nord des iles
Curzolari, jusqu'a sa sortie de ces memes ecueils, le lendemain. Il n'omit
aucune des circonstances de sa visite au chateau de San-Silvio, de la
blessure qu'avait au bras le gouverneur, et des signes de complicite qu'il
avait surpris entre lui et le commandant Leontio. Ezzelin raconta aussi ce
qui lui etait arrive, a partir de son dernier combat avec les pirates. Il
declara que Soranzo n'avait pas pris part a ce combat, mais que le vieux
Hussein et plusieurs autres, qu'il avait vus la veille sur la barque de
l'Uscoque, n'avaient agi que par son ordre et sous sa protection. Nous
raconterons en peu de mots par quel miracle Ezzelin avait echappe a tant
de dangers.
Epuise de fatigue et perdant son sang par une large blessure, il avait ete
porte a fond de cale sur la tartane du juif albanais. La un pirate s'etait
mis en devoir de lui couper la tete. Mais l'Albanais l'avait arrete; et
s'entretenant avec cet homme dans la langue de leur pays, qu'heureusement
Ezzelin comprenait, il s'etait oppose a cette execution, disant que
c'etait la un noble seigneur de Venise, et qu'a coup sur, si on pouvait
lui sauver la vie, on tirerait de sa famille une forte rancon.
"C'est bien, dit le pirate; mais vous savez que le gouverneur a menace
Hussein de toute sa colere s'il ne lui apportait la tete de ce chef.
Hussein a donne sa parole et ne voudra pas se preter a le garder
prisonnier. C'est trop risquer que d'entreprendre cette affaire.
--Ce n'est rien risquer du tout, reprit le juif, si tu es prudent et
discret. Je m'engage a partager avec toi le prix du rachat. Prends
seulement le pourpoint de ce Venitien, mets-le en pieces, et nous le
porterons au gouverneur de San-Silvio. Garde ici le prisonnier et ne
laisse entrer personne. Cette nuit nous le mettrons sur une barque, et tu
le conduiras en lieu sur."
Le marche fut accepte. Ces deux hommes deshabillerent Ezzelin; le juif
pansa sa plaie avec beaucoup d'art et de soin. La nuit suivante, il fut
conduit dans une ile eloignee des Curzolari, et habitee seulement par des
pecheurs et des contrebandiers qui donnerent asile avec empressement au
pirate leur allie et a sa capture. Ezzelin passa plusieurs jours sur cet
ecueil, ou les soins les plus empresses lui furent prodigues. Lorsqu'il
fut hors de danger, on l'emmena plus loin encore; et enfin, a travers
mille fatigues et mille difficultes, on le conduisit dans une des iles de
l
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