is embrasse, en un
role terrible, celui de denonciateur aupres d'un tribunal dont les arrets
austeres ne laissent plus de retour a la compassion, ni de chances, au
repentir. J'ignore sous quel titre et sous quelles formes judiciaires je
dois poursuivre ce criminel. J'attends que les peres de la republique, ses
plus puissants magistrats et son plus illustre guerrier me dictent ce
qu'ils attendent de moi. Quant a moi personnellement, je sais ce que j'ai
a faire: c'est de dire ici ce que je sais. Je desirerais que mon devoir
put etre accompli dans cette seule seance; car, en songeant a la rigueur
de nos lois, je me sens peu propre a l'office d'accusateur acharne, et je
voudrais pouvoir, apres avoir devoile le crime, attenuer le chatiment que
je vais attirer sur la tete du coupable.
--Comte Ezzelin, dit l'examinateur, quelle que soit la rigidite de notre
arret, quelque severe que soit la peine applicable a certains crimes, vous
devez la verite tout entiere, et nous comptons sur le courage avec lequel
vous remplirez la mission austere dont vous etes revetu.
--Comte Ezzelin, dit Francesco Morosini, quelque amere que soit pour moi
la verite, quelque douleur que je puisse eprouver a me voir frappe dans la
personne de celui qui fut mon parent et mon ami, vous devez a la patrie et
a vous-meme de dire la verite tout entiere.
--Comte Ezzelin, dit Orio avec une arrogance qui tenait un peu de
l'egarement, quelque facheuses pour moi que soient vos preventions et de
quelque crime que les apparences me chargent, je vous somme de dire ici la
verite tout entiere."
Ezzelin ne repondit a Orio que par un regard de mepris. Il s'inclina
profondement devant les magistrats, et plus encore devant Morosini; puis
il reprit la parole:
"J'ai donc a livrer aujourd'hui a la justice et a la vengeance de la
republique un de ses plus insolents ennemis. Le fameux chef des pirates
missolonghis, celui qu'on appelait l'_Uscoque_, celui contre qui j'ai
combattu corps a corps, et par les ordres duquel, au sortir des iles
Curzolari, j'ai eu tout mon equipage massacre et mon navire coule a fond;
ce brigand impitoyable, qui a ruine et desole tant de familles, est ici
devant vous. Non-seulement j'en ai la certitude, l'ayant reconnu comme je
le reconnais en cet instant meme, mais encore j'en ai acquis toutes les
preuves possibles. L'Uscoque n'est autre qu'Orio Soranzo."
Le comte Ezzelin raconta alors avec assurance et clarte tout ce qui lui
etait arriv
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