ndit le docteur; elle l'a garde, parce que, d'un
cote, elle savait que Mezzani trahissait la republique et n'etait pas dans
les interets de la signora Giovanna, et parce que, de l'autre, Naam se
doutait bien que ce coffret contenait quelque chose qui pouvait perdre
Soranzo. Elle cacha ce gage, pensant que plus tard la signora Giovanna le
lui demanderait. Celle-ci avait toute confiance dans Naam, et sans doute
elle croyait que cette lettre vous parviendrait. Naam vous l'eut remise si
elle n'eut craint de nuire a Soranzo en le faisant. Mais elle a garde le
gage comme un precieux souvenir de cette rivale qui lui etait chere. Elle
l'a toujours porte sur elle, et c'est hier seulement, en se convaincant de
la tentative d'empoisonnement faite sur elle par Orio, qu'elle a brise le
cachet de la lettre, et qu'apres l'avoir lue elle me l'a remise."
L'amiral voulut lire la lettre. Le juge examinateur la lui demanda en
vertu de ses pouvoirs illimites. Morosini obeit; car il n'etait point de
tete si puissante et si veneree dans l'Etat qui ne fut forcee de se
courber sous la puissance des Dix. Le juge prit connaissance de la lettre,
et la remit ensuite a Morosini qui la lut a son tour; quand il l'eut finie,
il en recommenca la lecture a haute voix, disant qu'il devait cette
satisfaction a l'honneur d'Ezzelin, et ce temoignage d'abandon complet a
Orio.
La lettre contenait ce qui suit:
"Mon oncle, ou plutot mon pere bien-aime, je crains que nous ne nous
retrouvions pas en ce monde. Des projets sinistres s'agitent autour de moi,
des intentions haineuses me poursuivent. J'ai fait une grande faute en
venant ici sans votre aveu. J'en serai peut-etre trop severement punie.
Quoi qu'il arrive, et quelque bruit qu'on vienne a faire courir sur moi,
je n'ai pas le plus leger tort a me reprocher envers qui que ce soit, et
cette pensee me donne l'assurance de braver toutes les menaces et
d'accepter la mort suspendue sur ma tete. Dans quelques heures peut-etre
je ne serai plus. Ne me pleurez pas. J'ai deja trop vecu; et si
j'echappais a cette perilleuse situation, ce serait pour aller m'ensevelir
dans un cloitre loin d'un epoux qui est l'opprobre de la societe, l'ennemi
de son pays, l'Uscoque en un mot! Dieu vous preserve d'avoir a ajouter,
quand vous lirez cette lettre, l'assassin de votre fille infortunee"
GIOVANNA MOROSINI,
qui jusqu'a sa derniere heure vous cherira et vous benira comme un pere."
Ayant acheve cette lecture, Morosini q
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