avait couru et appele
quelque temps sans succes. Enfin il etait revenu sur ses pas; ses autres
serviteurs, s'etant leves, l'avaient aide a chercher Danieli. L'un d'eux
pretendait avoir entendu une espece de cri et la chute d'un corps dans
l'eau. C'etait meme ce qui l'avait eveille et engage a se lever, bien
qu'il ne sut pas de quoi il s'agissait. Tous les efforts du comte et de
ses serviteurs pour retrouver le bon Danieli avaient ete inutiles.
Quelques traces de sang mal essuyees sur les marches du traguet leur
causaient une vive inquietude. Le docteur raconta ce qu'il avait vu. On
reprit alors, avec la sonde, les recherches sur la rive. Mais au bout de
quelques heures on retrouva le corps de Danieli qui surnageait de l'autre
cote du canal."
"Ainsi, se dit Orio devore d'une rage interieure, Naam s'est trompee, et
c'est moi qui me suis livre moi-meme, en declarant a la police que le coup
etait destine au comte Ezzelin."
Le docteur ayant confirme sa declaration, le comte Ezzelin fut introduit.
"Monsieur le comte, dit le juge examinateur, vous avez annonce que vous
aviez d'importantes declarations a faire sur la conduite de messer Orio
Soranzo. C'est vous-meme qui l'avez fait assigner a comparaitre ici devant
vous, en notre presence. Veuillez parler.
--Que vos seigneuries m'excusent pour un instant, dit Ezzelin, j'attends
un temoin que le conseil des Dix m'a autorise a demander, et devant lequel
les depositions que j'ai a faire doivent etre enregistrees."
On presenta un siege au comte Ezzelin, et quelques instants se passerent
dans le plus profond silence. Combien Soranzo dut etre blesse dans son
orgueil en se voyant debout, devant son ennemi assis, au milieu d'un
auditoire impassible, et dans l'attente de quelque nouveau coup impossible
a detourner!
Tourmente d'une secrete angoisse, il resolut d'en sortir par un effort
d'effronterie.
"J'avais cru, dit-il, que mon esclave Naama, ou plutot Naam, car c'est le
nom qui convient a son sexe, assisterait a cette seance; ne me sera-t-il
pas accorde d'etre confronte avec elle et d'invoquer le temoignage de sa
sincerite?"
Personne ne repondit a cette interrogation. Orio sentit le froid de la
mort parcourir ses veines. Neanmoins il renouvela sa demande. Alors la
voix lente et sonore du conseiller examinateur lui repondit:
"Messer Orio Soranzo, votre seigneurie devrait savoir qu'elle n'a aucune
espece de questions a nous adresser, et nous aucune espece de reponses a
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