r de sa famille et
de sa patrie. Il avait montre, en arrivant aux Indes, que, malgre sa
jeunesse, il ne se laisserait pas insulter impunement. Voici comment M.
de Gaspe raconte ce fait:
"Les officiers du soixantieme regiment, dans lequel Salaberry etait
lieutenant, appartenaient a differentes nationalites. Il y avait
des Anglais, des Prussiens, des Suisses, des hanovriens et deux
Canadiens-Francais, les lieutenants de Salaberry et Des Rivieres.
C'etait chose assez difficile de maintenir la paix parmi eux; les
Allemands surtout etaient portes a la querelle; excellents duellistes,
ils etaient de dangereux antagonistes. Un matin, Salaberry etait a
dejeuner avec quelques-uns de ses freres d'armes, quand entre l'un
des Allemands qui le regarde et lui dit d'un air de Mepris:--Je viens
justement d'expedier un Canadien-Francais dans l'autre monde,--faisant
par la allusion a Des Rivieres qu'il venait de tuer en duel."
"Salaberry bondit sur son siege; mais, reprenant son sang-froid, il
dit:--Nous allons finir le dejeuner, et alors vous aurez le plaisir d'en
expedier un autre."
"Ils se battirent, comme c'etait alors la coutume, a l'arme blanche.
Tous deux firent preuve d'une grande adresse, et le combat fut long et
obstine. Salaberry etait tres jeune.; son adversaire, plus age, etait un
rude champion. Le premier recut une blessure au front dont la cicatrice
ne s'est jamais effacee. Comme il saignait abondamment et que le sang
lui interceptait la vue, ses amis voulurent faire cesser lu combat; mais
il refusa. S'etant attache un mouchoir autour de la tete, le combat
recommenca avec encore plus d'acharnement, A la fin, son adversaire
tomba mortellement blesse, et la plupart dirent qu'il n'avait eu que ce
qu'il meritait."
Ce duel mit pour toujours de Salaberry a l'abri des insultes; il avait
fait ses preuves.
La guerre des Indes se faisait alors entre l'Angleterre et la France; la
possession de la Martinique et de la Guadeloupe devait etre le prix de
la victoire. Il devait en couter ou jeune de Salaberry, si francais par
l'origine et le caractere, de se battre contre la France; il devait lui
repugner de combattre le drapeau pour lequel ses ancetres avaient verse
leur sang. Mais la loyaute etait pour lui un devoir et la carriere
militaire une vocation.
La lutte fut vive, les batailles acharnees, les dangers continuels; les
maladies devoraient ceux que les balles epargnaient.
Il vint un jour ou de son regiment il ne rest
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