nobstant cette declaration, six Hurons parmi lesquels Joseph et
Stanislas Vincent, reclamerent a grands cris l'honneur d'aller servir
dans les rangs des voltigeurs canadiens.
A la bataille de Chateauguay, ou 800 Canadiens accomplirent ce fait
d'armes etonnant de mettre en deroute un corps d'arme de sept ou huit
mille hommes, les freres Vincent traverserent la riviere a la nage pour
faire prisonniers les fuyards qui refusaient de se rendre.
Mais ces deux heros, tres braves et tres determines pendant l'action,
n'etaient pas tres forts sur la discipline, en sorte que quelques jours
apres la bataille, se croyant parfaitement libres, ils laisserent le
service et abandonnerent leur compagnie pour retourner dans leurs
foyers. C'etait un cas de desertion flagrante, et, d'apres le code
militaire, qui est inexorable a ce sujet, ils devaient etre passes par
les armes; il fallait une grande influence pour obtenir leur grace, et,
a ce sujet, voici ce qu'ecrivait M. de Salaberry, pere, au colonel son
fils:
A Beauport, le 4 decembre 1818
"Mon cher fils,
"Joseph et Stanislas Vincent, de ton regiment, sont arrives a Lorette,
le 2 decembre, et sont venus tout de suite se rendre a moi. Ils
temoignent un vrai repentir et un grand regret de ce qu'ils ont fait.
Ils disent qu'ils savent bien qu'il n'y a pas de bonnes excuses pour une
telle folie; mais que cependant ils peuvent dire avec verite qu'ils ne
l'ont faite que par de mauvais conseils et qu'ils ne l'auraient pas
faite sans cela. Les autres sauvages leur ont dit que les hommes des
nations, c'est-a-dire les nations indiennes, ne devraient servir que
comme des sauvages et non comme des soldats engages."
"Ils ajoutent qu'ils n'auraient pas du ecouter ces mauvais conseils;
mais que les jeunes n'ont pas l'experience des anciens. Ils disent que
comme je suis le pere des Hurons et du plus grand guerrier qu'ait le
roi, ils s'adressent a moi, avec confiance pour obtenir leur grace. Je
leur ai repondu que j'allais te la demander tout de suite, et j'etais
persuade que tu me l'accorderais parce qu'en effet, les vrais braves
sont toujours misericordieux envers ceux qui se soumettent et se
repentent. Je te prie donc, mon cher fils, de leur pardonner de bonne
grace a cause de leur repentir et de leur confiance en toi et en moi."
"Je pense bien que je serai pour beaucoup en ce pardon; mais encore une
autre raison: le grand chef est survenu en disant que tu sais bien qu'il
t'estime beauc
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