visiter, en compagnie des membres de la famille de Salaberry, le theatre
de tant de grandeur et de courage.
La Princesse et moi, nous ne pourrons jamais oublier les relations
d'amitie intime qui ont existe entre le prince Edouard, duc de Kent, et
le colonel de Salaberry, amitie de famille qui, j'ose l'esperer, ne sera
pas restreinte a nos aieux. La Princesse m'a prie de vous exprimer le
profond interet qu'elle porte a cette solennite; elle desire que je
vous fasse part du regret qu'elle a de ne pouvoir se trouver avec vous
aujourd'hui. Elle espere cependant, pouvoir admirer ce monument ou, pour
la premiere fois, l'art d'un de nos sculpteurs a si bien commemore la
loyaute, le courage, et le genie d'un guerrier canadien.
Ce beau discours prononce en francais par Son Excellence fut applaudi
comme il meritait de l'etre. Il est bon de transmettre a la posterite
les paroles eloquentes tombees en cette circonstance solennelle de
la bouche du representant de sa majeste, de conserver ce temoignage
precieux de la valeur et de la loyaute des Canadiens-Francais.
Ayant fini de parler, Son Excellence decouvrit la statue au milieu
des acclamations de la foule, des detonations du canon, des fanfares
retentissantes, de la musique et des feux de joie tires par le 65 deg.
bataillon.
Le colonel de Lotbiniere Harwood fit; alors le discours de circonstance.
Sa voix forte, vibrante, sa belle prestance et l'energie avec laquelle
il exprima ses sentiments et ses pensees produisirent le meilleur effet
sur la foule, M. Harwood commenca comme suit,:
Qu'il plaise a Votre Excellence,
Messieurs,
Il est des circonstances dans la vie ou le coeur semble, nager comme
dans un ocean de delices. Telle est pour moi, Messieurs, chers
compatriotes et compagnons d'armes, la circonstance actuelle; tel est
pour moi ce moment a jamais beni ou le grand peuple canadien, sortant
pour ainsi dire de son long assoupissement, se leve enfin noble et fier
pour rendre aux cendres d'un mort illustre, que dis-je, au sauveur de
son pays, les honneurs qui lui etaient dus depuis trop longtemps, et
dont le souvenir, par une penible indifference, avait ete presque rejete
au fond du lugubre et triste gouffre de l'oubli, de ce rapide oubli que
le poete nomme "le second linceul des morts." Helas! depuis longtemps le
heros de Chateauguay dort au fond de sa tombe... pas une pierre... pas
un mausolee... pas la moindre trace de l'endroit ou la froide poussiere
de ce
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