Toulon, Juin 1858.
RHODINA
Fille de Lesbos, vierge aux tresses blondes,
Nymphe aupres de qui palirait Venus,
Fleur du Sunium, dont de chastes ondes
Au soleil jadis baignaient les pieds nus!
Comme sur la mer, la mer fremissante
Poursuit le sillon d'un fuyant esquif,
Sur le sable fin l'onde caressante
A-t-elle efface ton pas fugitif?
Blanche Rhodina, ma deesse antique,
Si chez les mortels, par faveur des dieux,
Tes charmes divins, dans leur grace attique,
Daignaient un beau soir descendre des cieux,
Si tu revenais, ravissante et telle
Que Clephas te vit, un jour de peche,
Je voudrais t'aimer d'amour immortelle
A rendre jalouse Helene ou Psyche!
Car parmi tes soeurs au chaste sourire
Dont je vois s'enfuir dans les bois ombreux
Le pas, cadence comme un chant de lyre,
Toi seule es la reine aux yeux amoureux.
Et tu m'aimerais, ma pudique amante,
Tout en restant nymphe et divinite:
Comme ton sein nu sa pudeur charmante,
O reine, l'amour a sa chastete.
Passy, Aout 1858.
A L'HOTELLERIE
--SOUVENIR DE MUSSET--
I
Il est des jours, Dieu me pardonne!
Ou, sans mentir,
Je sauterais de la Colonne
Pour en finir.
D'ou vient cette melancolie?
Voyons un peu:
Suis-je en veine de poesie?
Mais non, par Dieu!
Est-ce un de ces spleens qu'on eprouve
Quand, par moment,
Votre etourdi de coeur se trouve
Seul en aimant?
Suis-je dans mes jours de tristesse?
Ai-je un tresor
Cache dont le souci m'oppresse?
Ou bien encor
La province me semble-t-elle
Bete a ce point
Qu'il n'est rien qu'on puisse chez elle
Trouver a point?
La connaissez-vous, la province?
Pour aujourd'hui,
Helas! j'y baille comme un prince
Mourant d'ennui.
Lyon! dire qu'on y demeure!
Sejour mortel!
Si je couche ici, que je meure
Dans cet hotel!
Par hasard, est-ce que vous etes
De mon avis,
Que rien, meme en ses jours de fetes,
Ne vaut Paris?
Car Paris! ah! mademoiselle,
C'est la qu'on vit;
C'est la que la femme est fidele,
A ce qu'on dit.
C'est la que l'Amour vend ses pommes
Et mille riens,
Et c'est le pays des grands hommes
Et des vauriens.
Ah! c'est beau, Paris! Pour les femmes,
Quel paradis,
Et quel purgatoire, o mesdames,
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