ai debout au milieu d'une
plate-forme autour de laquelle ils s'etaient arretes en rond, serres
les uns contre les autres. Mais ce n'etait plus les memes que tout
a l'heure; de quelque cote que je voulusse tourner mes regards,
je n'apercevais plus que des cypres dont la noire verdure montait
constamment en tiges roides et droites vers le ciel. Effrayee, je me
retournai vers Justine pour prendre sa main. Justine avait disparu. Je
voulus l'appeler; ma langue restait collee a mon palais. A la place
qu'elle occupait un instant auparavant, le spectre de la Mort, tel qu'on
nous le depeignait au couvent, ricanait a cote de moi; je sentais son
souffle repoussant et humide effleurer mes levres et mes joues, qu'il
fletrissait, en passant, et parcourir tout mon corps comme un frisson
indicible. L'emotion que j'eprouvais est inexprimable. Je tremblais
d'une maniere effrayante. Enfin, a travers les arbres, j'apercus une
forme qui venait de mon cote. C'etait vous. Mais vous n'etiez pas seule.
Mon coeur bat encore de l'impression que j'ai ressentie en la voyant.
Aupres de vous, marchait un homme jeune dont les traits, ou respiraient
la tristesse et la distinction, m'etaient deja connus. Ne pouvant
parler, je tendis les bras vers vous. Sa tete se releva alors, et ses
yeux brillerent d'un eclat inoui. Tous deux, vous m'aviez compris et
vous veniez me chercher. Vous alliez arriver a la limite des arbres.
Alors le spectre fixa sur moi son regard vide et hebete: je ne vous
voyais plus. Puis il posa son doigt sur mon coeur, et de l'autre main il
me montra une eclaircie au milieu des cypres. Dans une allee dont je ne
voyais pas la fin, je vous apercus tous les deux; mais au lieu de venir,
vous vous eloigniez de moi, enlaces dans les bras l'un de l'autre.
Desesperee, je poussai un cri terrible. Ni vous ni lui ne vous etes
retournes. Le fantome ota son doigt de mon coeur et se mit a courir
autour de moi en tracant un cercle qu'il agrandissait a chaque tour. A
la place ou j'avais senti le contact mortel et glace de sa main osseuse,
j'avais une plaie par ou mon sang se perdait goutte a goutte et creusait
dans le sol un trou dans lequel j'enfoncais peu a peu, comme en un
tombeau. En ce moment, de larges flocons de neige commencerent a tomber.
Je trouvai la force de prononcer une parole, et le nom que je jetai a
l'air sans echos n'etait pas le votre, Cecile. Lui, ne se retourna pas
encore. Je tombai a genoux. Mes genoux s'attacherent a la terre.
J
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