e,
Notre coeur dans la boue et qu'il creuse en notre ame
Une plaie ou se va perdant l'eternite?
Ce pale libertin, ce masque a l'oeil stupide
Qui regarde sans voir, ce fantome livide,
Ce cadavre vivant, le reconnaissez-vous?
Ce ne peut etre lui.... C'est un autre.... Il se leve:
Non, ce n'est point Stello qui gisait la-dessous.
C'est une ombre sans os, comme on en voit en reve.
Mieux vaudrait, si c'est lui, l'avoir perce d'un glaive
Et jete ses lambeaux aux fanges des egouts.
Circe se vanterait de sa metamorphose!
Ce ne peut etre lui. C'est une horrible chose,
Cependant, que de voir un aussi jeune front
Pale et deja courbe sous cet immonde affront.
C'etait pourtant bien lui, cet enfant qui, la veille,
Capable de tout bien comme de tout honneur,
Osait parler d'amour et croyait au bonheur.
Telle on voit, dans les champs, une feconde treille
S'embellir, appuyee au flanc d'un chene altier:
Mais un jour l'arbre tombe, et la vigne, en souffrance,
Ployant sous le fardeau de sa propre abondance,
Se mele dans la boue aux pierres du sentier.
Tant qu'il avait garde quelque faible esperance
D'etre aime de Rosine, il sentait cet amour
Vivre dans sa poitrine et grandir en son ame,
Et, comme un acier pur s'endurcit a la flamme,
Sa nature, en aimant, s'elevait chaque jour;
Mais, une fois ce charme arrache de sa vie,
Une fois qu'il eut vu la derniere lueur
Qui lui montrait le ciel, s'eteindre dans son coeur,
Alors il lui sembla, dans sa fierte meurtrie,
Que ce monde, apres tout, n'est qu'une comedie
Infame et desolante, et que c'est un malheur
Pour tout homme, ici-bas, d'etre un homme d'honneur.
Lors, mesurant l'abime, il comprit sa detresse;
Et son coeur retomba d'autant plus desole
Qu'il s'etait eleve plus haut dans sa tendresse
Pour suivre en souriant son fantome envole.
C'est ainsi que l'on voit, dans le soir etoile,
Un nuage qui passe emprunter un visage
Dont notre oeil se complait a suivre le mirage;
Et qu'enfin, quand la brise en disperse l'image,
Reveille tout a coup de ce reve enchante,
Notre coeur se debat dans la realite.
Grandi par son amour, c'est par lui qu'il s'abaisse!
Plus vaillant fut Stello, plus morne est sa faiblesse!
Tout ce qui l'eut fait grand se tourne contre lui,
Et c'est son propre coeur qui le tue aujourd'hui.
C'etait bien lui. Son coeur tressaillait en lui-meme.
En vain il refoulait, par un
|