ompes; j'ai deux cordes a mon ambition. J'accepte la
gloire sans bonheur ou le bonheur sans gloire.
Obernay me raillia a son tour de ma pretendue modestie, et, tout en
discutant de la sorte, je ne sais plus comment nous vinmes a parler de
M. de Valvedre et de sa femme. J'etais assez curieux de savoir ce qu'il
y avait de vrai dans les commerages de Moserwald, et Obernay etait
precisement dispose a une extreme reserve. Il faisait le plus grand
eloge de son ami, et il evitait d'avoir une opinion sur le compte de
madame de Valvedre; mais, malgre lui, il devenait nerveux et presque
irascible en prononcant son nom. Il avait des reticences troublees; le
rouge lui montait au front quand je lui en demandais la cause. Mon
esprit fit fausse route. Je m'imaginai qu'en depit de sa vertu, de sa
raison et de sa volonte, il etait amoureux de cette femme, et, dans un
moment ou il s'en defendait le plus, il m'echappa de lui dire
ingenument:
--Elle est donc bien seduisante!
--Ah! s'ecria-t-il en frappant du poing sur la boite de metal qui
contenait ses plantes et qui lui avait servi d'oreiller, je vois que les
mauvaises pensees de ce juif ont deteint sur toi. Eh bien, puisque tu me
pousses a bout, je te dirai la verite. Je n'estime pas la femme dont tu
me parles... A present, me croiras-tu capable de l'aimer?
--Eh! mais... c'est quelquefois une raison de plus; l'amour est si
fantasque!
--Le mauvais amour, ou l'amour des romans et des drames modernes; mais
les mauvaises amours n'eclosent que dans les ames malsaines, et, Dieu
merci, la mienne est pure. La tienne est-elle donc deja corrompue, que
tu admets ces honteuses fatalites?
--Je ne sais si mon ame est pure comme la tienne, mon cher Henri; mais
elle est vierge, voila ce dont je puis te repondre.
--Eh bien, ne la laisse pas gater et affaiblir d'avance par ces idees
fausses. Ne te laisse pas persuader que l'artiste et le poete soient
destines a devenir la proie des passions, et qu'il leur soit permis,
plus qu'aux autres hommes, d'aspirer a une pretendue grande vie sans
entraves morales; ne t'avoue jamais a toi-meme, quand meme cela serait,
que tu peux tomber sous l'empire d'un sentiment indigne de toi!...
--Mais, en verite, tu vas me faire peur de moi-meme, si tu continues! Tu
me mets sous les yeux des dangers auxquels je ne songeais pas, et pour
un peu je croirais que c'est moi qui suis epris, sans la connaitre, de
cette fameuse madame de Valvedre.
--Fameuse! Ai-je d
|